Article Le yoga intégral par Swami Veetamohananda

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Swami Veetamohananda

Article : Le yoga intégral 
Par Swami Veetamohananda 
Parution dans la revue védanta 149 

 

Le yoga intégral

 

La vie est une interaction continue entre l’individu et le cosmos, entre la nature intérieure et la nature extérieure. Cette interaction prend desformes variées parmi lesquelles la plus importante est la satisfaction des besoins de l’homme. Bien qu’ils soient illimités, ils peuvent, cependant,être ramenés à trois points fondamentaux : exister, connaître et se faire plaisir. Le monde des objets qui sont autour de nous présente aussi troispropriétés :
Il existe (asti),
Il empiète sur notre conscience (bhati),
Il procure la joie (priyam).

Cette correspondance frappante entre la vie intérieure et le monde extérieur montre une réalité commune caractérisée par l’existence, laconscience et la félicité.

« Cette Réalité ultime absolue » dit Swami Vivekananda « est le but de toute l’humanité, le but et la finalité de toute religion, ce n’est rien d’autrequ’une union avec Dieu ou, ce qui revient au même, avec la divinité qui est la nature véritable de tous les hommes ».

Le but et les méthodes pour l’atteindre forment ce que l’on appelle le Yoga. Le mot « yoga » est dérivé de la racine sanscrite yuj qui signifie «joindre, unir », s’unir à notre réalité, Dieu. La vie de l’homme est difficile. L’agitation de l’esprit produite par le bruit et la précipitation, lesresponsabilités, les prises de décisions, les excitations émotionnelles - tout cela consomme une grande quantité d’énergie psychique. Il en résultequ’une personne peut se sentir épuisée, même sans avoir accompli aucun travail physique. Normalement, l’inconscient, qui est le réservoir del’énergie mentale, régénère cette énergie perdue. Mais parfois, il ne le fait pas. Le refoulement peut l’en empêcher en supprimant quelques-unsdes instincts fondamentaux de l’homme. L’incapacité à trouver un idéal ou une motivation appropriés dans la vie, d’ouvrir de nouveaux canauxpour exprimer ses aspirations, ses talents et sa créativité montrent l’inaptitude du mental à se renouveler.
L’inquiétude, la dépression, la fatigue nerveuse et les maladies psychosomatiques sont des signes qui montrent que le renouveau de soi dans lemental ne se fait pas correctement. Nous devons comprendre la nature de la vie et de la conscience. Malgré notre intérêt récent pour lesphénomènes extra-sensoriels, les états modifiés de conscience, les biorythmes, les effets kirlian, le bioplasma et les ondes du cerveau, nous avonstrès peu de connaissances sur le système de l’énergie psychique. Cette énergie psychique n’est pas liée au physique car la fatigue peut apparaîtremême si nous nous nourrissons correctement.
Il y a deux théories concernant la nature et l’origine de la vie. Les uns, comme les scientifiques modernes, affirment que la vie est dérivée de lamatière.
D’autres disent que la vie est un principe primaire, existant par lui-même, répandu partout dans l’univers tout entier et que la matière et le mentalen sont les deux manifestations différentes. C’est le point de vue adopté par les védantins. Ils appellent ce principe cosmique de vie prana. Àl’origine, ce mot signifiait respiration, c’est plus tard qu’il a été utilisé pour signifier le principe de vie dans l’homme. Comme l’univers dans satotalité était reconnu comme un seul organisme, prana en est venu à signifier la force de vie cosmique et vayu (l’air atmosphérique) était souventutilisé comme son symbole.

L’Upanishad Chandogya parle de deux absorbants - l’un dans l’homme et l’autre dans l’univers. Chez l’homme, tous les organes sont absorbés(pendant le sommeil) dans le prana. Dans l’univers, tous les êtres sont absorbés (pendant la dissolution cosmique) dans vayu. Le principe de vie,l’individuel et le cosmique, a toujours été considéré comme unique, car le microcosme et le macrocosme étaient supposés construits sur le mêmeplan et prana représentait ce principe unitaire. Mais prana n’a jamais été envisagé comme la Réalité ultime. Les Upanishads disent que prana estdérivé de la pure conscience que l’on appelle Brahman et Atman. Par le prana psychique, le soi individuel contrôle le corps et le mental. De lamême manière, par le prana cosmique, Dieu contrôle et dirige l’univers tout entier. Tout comme Brahman est la somme totale de toutes lesparcelles de conscience individuelle, prana est la somme totale de toutes les forces de l’univers.
Swami Vivekananda dit : « ... et de toutes parts, tous les mouvements sont les différentes manifestations de ce prana. Ce prana est électricité, ilest magnétisme, il se répand dans le cerveau sous forme de pensée. Tout est prana ; il fait se mouvoir le soleil, la lune et les étoiles. Dans prana,nous avons un principe holistique de vie qui unit le corps et le mental, la matière et la vie, sous une direction commune homéostatique. Oui,prana est le système super-homéostatique de l’univers qui gouverne l’existence individuelle aussi bien que l’existence cosmique ».
Chez l’individu, une partie de prana reste à la base de la colonne vertébrale sous une forme dormante appelée Kundalini. La partie restantecircule le long de deux canaux principaux, les nadis, appelés ida et pingala. À partir de ces canaux, prana s’infiltre, en quelque sorte, dansl’organisme tout entier, allant librement dans tout le corps et tout le mental, donnant l’énergie et la vie à chaque cellule, à chaque pensée. Lesyogis indiens ont découvert que, si l’on maîtrise ida et pingala, le flot de prana dans le corps et dans le mental peut être maîtrisé. Ida et pingalasont les régulateurs homéostatiques de toute la personnalité. Prana est connu chez les chinois sous le nom de Chi et chez les Japonais sous celuide Ki.
Les maîtres de l’ancienne Chine ont dessiné la carte des méridiens, des lignes, le long desquels Chi se déplace dans le corps. D’après eux, lesmaladies sont dues au déséquilibre dans le courant de Chi. Ils ont découvert qu’en implantant des aiguilles à certains points de contrôle sur lesméridiens, ce courant pouvait être régularisé et les maladies soignées. C’est la base de la pratique de l’acupuncture.
Dans l’Inde ancienne, les médecins ne considéraient pas le corps et le mental comme des entités séparées. Leur science est appelée Ayurveda.Elle définit la maladie comme un ensemble de souffrances de toutes sortes, physiques et mentales. La cause fondamentale de toute maladie estune perturbation du système de l’énergie psychophysique, composé de trois humeurs : vata, (l’air), pitta, (la bile) et kapha, (le flegme). Lesautorités médicales mettaient l’accent sur le rôle du mental dans les causes du déséquilibre humoral. Elles avaient une vue holistique del’homme. Leur conception de la santé a pour nom satmya, ce qui signifie littéralement « être en harmonie avec l’Âme universelle ». La maladies’appelle vikara, c’est-à-dire déviation de l’état naturel ou asatmya, « ne plus être en harmonie avec l’Âme universelle ».

C’est là le point fondamental du Yoga. Sa finalité est l’établissement de swarajya, la suprématie de l’Âme universelle. Pour l’obtenir, le corps etle mental doivent devenir des instruments parfaits de l’Atman. Si le corps et le mental ne sont pas en harmonie, la vie devient difficile etmalheureuse.
Cette compréhension a mené au développement d’un système de yoga appelé Hatha yoga. Ce système considère la maladie comme uneperturbation dans l’équilibre homéostatique de prana, provoquée par un fonctionnement irrégulier des canaux ida et pingala. Il essaie de rétablircet équilibre par des postures, le contrôle de la respiration, etc. Il est bon de se souvenir que dans tous les yogas, l’harmonie des fonctions ducorps et du mental, appelée aussi intégration de la personnalité tout entière, est considérée comme une première étape.
Dans la Bhagavad Gita, le yoga est défini comme un équilibre qui peut être atteint par la purification du mental, la dévotion à Dieu, l’auto-analyse ou le contrôle des canaux ida et de pingala, cela en fonction du type de yoga que l’on suit. Nous arrivons maintenant au prana cosmique. Comme chez l’individu, il existe dans le cosmos une harmonie naturelle, un équilibre. Les fleuvestransportent leur eau jusqu'à l’océan et la pluie la ramène sur la terre. De même, il y a des mouvements périodiques de la terre et des planètes, descourants marins et atmosphérique, des biorythmes et un équilibre de vie dans les plantes, les animaux, les mondes, etc. L’Upanishad Katha ditque cet ordre cosmique, cet équilibre, est le travail de prana sous le contrôle de l’Esprit Suprême.
C’est la régulation cosmique de Virat tout entier (l’univers manifesté) que Sri Krishna appelle le yoga divin.

Le mot « yoga » a plusieurs sens. Il peut signifier :
1. Grand appareil (ou armure)
2. Moyens
3. Méditation.
4. Se rassembler (union).


De tous ces sens, c’est celui d’union qui est utilisé le plus largement dans les Écritures védantiques. Nous avons dit que Krishna l’utilisait chezl’individu et dans le cosmos. Mais il est communément employé pour signifier l’union de l’individu avec le cosmos.
Ainsi, nous savons que l’équilibre chez les êtres vivants est un état de renouveau personnel constant. L’air, l’eau, la nourriture et bien d’autreschoses sont nécessaires au renouveau du corps. Ils sont fournis par le vaste processus du renouveau de l’Âme universelle qui a lieu dans l’universphysique. Et pour les utiliser correctement, le corps doit être en harmonie avec le monde extérieur. De même, les idées et l’énergie psychiquenécessaires au renouveau du mental sont présentes dans l’univers mental. Mais le premier doit être en harmonie avec le second. De mauvaiseshabitudes de vie, la haine, la jalousie, la peur, le doute et de mauvaises façons de penser bloquent les canaux de contact entre l’individu et lecosmos aux niveaux physique et mental. Cela est l’unique cause de toutes les maladies mentales et toutes les souffrances.
De la même façon, au travers d’Atman, l’esprit individuel est une partie de Brahman, l’Esprit Infini. C’est l’égoïsme et l’ignorance qui créent laséparation entre les deux. Il en résulte que l’homme est incapable de réaliser la béatitude suprême et de s’accomplir complètement. Le yoga estun essai de suppression des obstacles aux trois plans - physique, mental et spirituel. C’est une discipline intégrale dont la finalité est ledéveloppement de l’homme dans son entier. L’homme ne peut pas se développer isolément et le rôle du yoga est de l’intégrer au cosmos dans lestrois plans. En fait, la vie de l’homme est vraiment un yoga. Elle est une partie de l’éternel yoga cosmique du Divin qui existe par lui-même.Mais, à cause de l’ignorance, nous continuons à fausser ce yoga naturel en transformant la vie en recherche du plaisir (bhoga). Bhoga est uneinjure et un détournement de la nature, c’est vivre en dysharmonie avec une vie plus élevée, en faisant preuve d’une indulgence et d’un égoïsmeexcessifs. C’est la cause principale de toutes les souffrances de l’homme. Ce que nous appelons yoga n’est qu’un essai conscient pour retrouverl’harmonie naturelle, pour restaurer l’équilibre énergétique en ouvrant le corps, le mental et l’âme aux rythmes du yoga cosmique du Divin.
Cette ouverture peut se faire par le sacrifice de soi, (comme dans le karma yoga), par la maîtrise de soi, (comme dans le Raja yoga), et parl’analyse de soi (comme dans le Jnana yoga).
Notre rôle dans le yoga est uniquement de le pratiquer consciemment. La conscience du soi est tout ce que nous avons à maintenir. Le yoga n’estdu yoga que dans la mesure où il est pratiqué consciemment, avec toute notre volonté. Tout ce que nous faisons inconsciemment, que ce soit letravail ou même le japa, n’est pas du yoga. Par exemple, manger, c’est satisfaire un besoin naturel. Mais, si nous mangeons avec la pleineconscience que la nourriture est une forme de prana et sera reconvertie en prana dans notre corps, cette action devient du yoga. Ainsi, chaqueactivité peut être transformée en yoga en l’accomplissant consciemment et en étant conscient de la relation entre l’individu et le cosmos. C’estcela qui encourage et rend l’homme capable de maîtriser ses désirs et de créer en lui-même la possibilité de réaliser le Divin, même en vivant leplaisir de la vie matérielle.
Donc, en intensifiant notre conscience, nous pouvons intensifier la pratique du yoga. Comment faire ? Il y a deux moyens. L’un est de posséderune aspiration intense ou un désir ardent de se réaliser personnellement. L’autre consiste à étendre la conscience à chaque partie de notre vie.C’est-à-dire, à prendre de plus en plus conscience que nous mangeons, que nous parlons, que nous travaillons, que nous accomplissons tout autreactivité normale de la vie de tous les jours.
C’est vrai, il est difficile pour un débutant d’accomplir toutes ces activités, ou même ses pratiques spirituelles, consciemment, avec une pleineconscience du soi. Il peut, au mieux, maintenir, au moins par intermittence, cette sorte de vigilance. Car il est, la plupart du temps, emporté par lecourant inconscient de ses pensées. Pratiquer avec une pleine conscience de soi ne devient possible que lorsque l’intellect s’éveille et que lalumière de l’Atman commence à illuminer le mental. Alors le yoga devient pleinement conscient, pleinement dirigé par l’Âme universelle. SriKrishna l’appelle le buddhi yoga - une nature différente, c’est-à-dire qui est différente du yoga naturel ou de la vie ordinaire. Cela signifie que leyoga est guidé et contrôle par la buddhi, l’intellect, le centre spirituel véritable dans l’homme. Sri Krishna voulait dire que c’est l’étape la plusélevée de chaque yoga. N’importe quel yoga, karma, raja, bhakti ou jnana, accompli avec un intellect éveillé devient du buddhi yoga.
Maintenant il est devenu clair que le yoga peut être de deux sortes : inférieur et supérieur.
Le yoga inférieur est celui qui est pratiqué avec un intellect non éveillé. C’est un essai pour délivrer la conscience des bas instincts et desautomatismes mentaux. Le premier pas est la purification du corps et du mental. Un corps soumis à toutes sortes d’habitudes irrégulières estimpur et déséquilibré. De même est un mental habité de pensées impures.
L’un et l’autre doivent être purifiés par des habitudes d’austérité, par la chasteté, le travail désintéressé et l’observation de vertus comme lasincérité et la non-violence. L’étape suivante consistera à harmoniser l’action d’ida et de pingala sous des formes simples de concentrationcomme la prière, l’adoration, la répétition d’un nom divin, la respiration contrôlée, etc.
Chaque yoga possède son étape inférieure. Le raja yoga a ses yamas (ses vertus), son niyama (sa conduite), ses asanas (ses postures), sonpranayama (son rythme de respiration), son pratyahara (le détachement) et dharana (la concentration). Dans la bhakti yoga, elle consiste à servirles fidèles de Dieu, à prier, adorer, etc. Dans le jnana yoga, c’est le travail désintéressé, l’étude des écritures, la discrimination, etc.
De la même manière, chaque yoga possède son étape supérieure lorsqu’il devient buddhi yoga.
Au stade du yoga inférieur, l’aspirant est presque entièrement dans le royaume de prana. Il est comme quelqu’un qui est tombé dans une rivièreet qui lutte pour se sauver de la noyade. Lorsque le yoga est pratiqué avec une aspiration intense, il conduit à l’éveil de l’intellect, l’aube d’uneconscience supérieure. Comme une personne qui se tient debout sur les berges d’une rivière, l’aspirant est maintenant capable d’assister àl’écoulement de la rivière de prana dans un silence profond. Au stade inférieur, il n’était conscient que de la vie universelle, du prana cosmique,du cycle d’évolution de la vie végétale et animale.
Mais maintenant, au stade supérieur, son intellect s’ouvre à la conscience universelle et il entre sur la voie d’une nouvelle évolution, l’évolutionspirituelle. Le renouveau personnel, atteint au travers du yoga supérieur, est le renouveau de prana : le renouveau de l’âme atteint par le yogasupérieur est le renouveau de la conscience. Dans la vie spirituelle, les deux types de renouveau sont importants. Si l’un d’eux est déficient, leprogrès spirituel sera ralenti.
La voie du yoga est pleine de hauts et de bas. Dans la vie de tout aspirant spirituel, il existe des périodes de stagnation lorsque la ferveur de sadévotion diminue. Il s’aperçoit que tout progrès est bloqué. Il trouve peu de joie dans la prière ou la méditation. Il est assailli par le doute. Il sesent désespéré et déraciné. La raison de cette stagnation spirituelle peut être décrite de plusieurs façons.
Pour le yoga, la cause principale, c’est que le centre spirituel est devenu inactif. Et comme il a été dit plus haut, c’est lui qui règle le processus durenouveau en nous.
D’après le Védanta, la personnalité est constituée de cinq enveloppes ou koshas. Chaque enveloppe possède son propre centre de contrôle, connusous le nom de bindu. Dans la vie du monde, seules, les trois premières enveloppes fonctionnent complètement.
Le centre de contrôle du corps physique se situe dans le cerveau. Celui de prana, l’enveloppe vitale, se tient à la base de la colonne vertébrale.Celui de vijnayamaya kosa, l’enveloppe de l’intellect, est dans le buddhi et généralement senti dans la région du cœur. C’est lui, le centrespirituel. La véritable vie spirituelle ne commence que lorsque ce centre devient actif.
Les centres de contrôle inférieurs sont sous l’autorité des centres de contrôle supérieurs. Lorsque le centre spirituel devient actif, il commence àexercer un contrôle sur les centres inférieurs. Si ce contrôle de surveillance est perdu ou bien si le centre spirituel lui-même devient inactif, lerenouveau de l’âme devient défectueux.
C’est la principale cause de stagnation dans la vie spirituelle. Une des principales tâches de la vie spirituelle est de garder ce centre spiritueltoujours ouvert et actif. Et pour cela, une aspiration intense est nécessaire.


Une autre cause de stagnation spirituelle est le déséquilibre provoqué dans le corps et dans le mental, par de mauvaises façons de vivre et depenser. Par l’introspection, il est généralement possible de détecter les facteurs dérangeants. Mais, souvent, quelques fortes émotions ou quelquesforts désirs sont refoulés et agissent dans les sombres profondeurs de l’inconscient, là où le mental conscient est incapable de traiter avec eux.
La troisième cause de stagnation spirituelle est celle-ci : comme le feu s’éteint lorsque l’on jette du bois humide sur lui, ainsi également,l’aspiration spirituelle meurt lorsque le mental est envahi par des pensées et des idées négatives. L’homme moderne est sans cesse sollicité partoutes sortes d’idées sans intérêt, d’informations émanant de gens, des journaux, de la télévision, de la radio et des livres. Un mental stimulé àoutrance par l’excitation et les distractions perd sa vigueur et sa créativité. Il devient lourd et immobile. Le centre spirituel est alors incapable del’activer.
Une quatrième cause est un sens constant de culpabilité qui assombrit l’âme et obstrue le centre spirituel. Se condamner comme si l’on était unpécheur sans valeur, inhibe l’aspiration spirituelle. C’est réellement une forme d’échappatoire, une tentative pour éviter la responsabilité demaintenir constant le renouveau personnel du corps, du mental et de l’esprit.
Enfin, il y a une cinquième cause. Quelques aspirants spirituels trop zélés essaient d’intensifier leur prière et leur méditation au-delà de leurscapacités. Ils négligent la nourriture, le sommeil, l’exercice et les autres besoins fondamentaux du corps. Il en résulte un épuisement des énergiesmentales et l’aspirant se retrouve sans aucune initiative spirituelle. 

Toutes ces causes de stagnation spirituelle ne sont que les symptômes d’une rupture dans le processus du renouveau de soi. Cela peut être corrigépar une pratique assidue du yoga inférieur dont nous avons parlé plus haut. La compagnie de saints hommes et l’aide d’un instructeurexpérimenté sont d’un grand secours pour traverser de telles périodes difficiles.

Tout dans l’univers est changeant. Tout, excepté l’Atman, l’Âme universelle véritable. Notre « moi », ego ou être inférieur, n’est qu’une réflexionde l’Âme universelle dans le mental. Et comme le mental lui-même est changeant et se développe, l’ego n’est pas une entité permanente. Les egode l’enfance, de l’adolescence, de l’âge adulte et de la vieillesse sont différents. À mesure que nous grandissons, notre ego évolue. Notre passéest jonché des ego que nous avons autrefois appréciés et chéris, pour lesquels nous avons lutté et souffert. La religion nous enseigne commentdissocier l’ego impur et immature et construire un nouveau et rayonnant ego divin, un ego mature, l’Âme universelle.
Pour le Védanta, la suppression des fautes se fait par une simple union de la conscience individuelle à la conscience universelle. Il y a plusieursfaçons de l’accomplir. L’une est par le culte samdhya. À l’heure sacrée du crépuscule, le fidèle s’assied seul, face au soleil, symbole de Virat, lavie universelle. Il offre son âme impure, par un rituel simple, au courant de la conscience universelle qui le purifie et l’illumine. Buvant quelquesgorgées d’eau, il murmure : « Puisse le soleil (le virat), mon pouvoir de volonté (Manyu) et les Divinités qui président, me protéger decommettre volontairement des erreurs. Puisse la nuit effacer toute faute que j’aurais commise, la nuit précédente par la pensée, la parole, lesmains, les pieds, l’estomac et tout le reste. Je m’offre, avec les impressions que mes actions ont laissé en moi, comme un sacrifice dans la lumièrede la conscience universelle représentée par le soleil, source d’immortalité ».
Ce rituel peut sembler être pure imagination ou autosuggestion. Mais lorsqu’il est pratiqué avec une foi profonde par un aspirant sincère, ilpurifie petit à petit son âme. Même un homme qui vit complètement dans le monde s’apercevra que cela le rend capable de considérer lesproblèmes de la journée avec un mental frais et une confiance augmentée.
La divinisation du soi par le service aux personnes nécessiteuses et souffrantes devient du karma yoga. Les canaux reliant le soi individuel aucosmos sont obstrués par l’envie, la haine et autres sentiments négatifs chez la plupart des gens. Le karma yoga ouvre un passage dans cescanaux et restaure le contact avec le cosmos. Un pratiquant véritable du karma yoga sent la vie cosmique circuler librement en lui et au travers delui. Il fait l’expérience émouvante du renouveau de soi continu.
Chaque yoga est un moyen de réaliser le renouveau de soi. Le yogi considère sa propre énergie vitale comme un feu sacrificiel et lui offre toutesses actions comme sacrifice. Dans la forme tantrique de culte connue sous le nom de puja, le fidèle consume son être inférieur dans le feu de lakundalini par un processus appelé bhuta-shuddhi et il crée une nouvelle âme divine. Le culte mental (manasa puja) s’il est fait avec foi etconcentration est aussi efficace qu’un culte externe pour purifier et élever le soi.

Cependant, la meilleure forme d’élévation du soi est la méditation. Si elle est pratiquée correctement, elle barattera l’inconscient tout entier etouvrira son contenu dans le conscient. Et, en temps voulu, elle brisera et ouvrira la porte de la conscience et plus tard, unira la conscienceindividuelle à la conscience universelle supérieure. Ainsi elle provoque une élévation complète de la personnalité tout entière.

Lorsque nous nous installons pour méditer, nous devons penser que l’esprit individuel plonge dans le courant lumineux de Sat - Chit - Ananda,Existence - conscience - Béatitude. Si cette conscience est maintenue tout au long de la journée, nous expérimenterons la joie et la découverte del’élévation constante de notre âme vers le cœur de la conscience.

Chaque jour, le soleil se lève sur un monde nouveau, car le monde s’élève par lui-même constamment. Mais, seul, l’homme continue àvagabonder dans les chambres obscures de son passé, s’accrochant aux ombres de son soi précédent.

Cela l’empêche de participer au processus incessant d’élévation qui se continue dans la vie universelle. Sans une constante élévation, notre viedevient stagnante, monotone, sans signification.

Par le feu de la prière et de l’adoration, le feu du sacrifice et du service, celui du yoga et de la méditation, permettons à une âme nouvelle de selever chaque jour, de s’ouvrir aux rythmes de la conscience cosmique.

Swami VEETAMOHANANDA