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Vedānta 220 - Swami Baneshananda - Commentaires sur le chapitre 13 de la Bhagavad Gītā

Editorial
Pour la revue Védanta, le départ de Swami Veetamohananda a coïncidé avec la fin de la publication intégrale de la traduction des Entretiens de Ramakrishna, qui se sera étalée sur plusieurs dizaines d'années. Nous avions projeté, entre temps, de publier une traduction des Entretiens de la Sainte Mère (qui correspondent au tome II, annoncé par les éditions Maisonneuve dans leur édition de la vie de la Sainte Mère, et jamais édité).
Nous avons suspendu ce projet car nous avions appris qu'il serait possible que nous puissions disposer d'une traduction en français à partir de l'original bengali, et non pas d'une traduction en français à partir d'une traduction en anglais de l'original.

Tara avait terminé l’édition de ce numéro, il restait à faire les corrections, la mise en forme, l’impression et l’expédition.
Il aurait été possible de suspendre l'édition du Védanta, pour aller dans le sens de la période de transition que nous sommes en train de vivre.
Nous proposons cependant d'en poursuivre l'édition à travers une publication sur le blog du Centre : ce sera une autre manière de se mettre en harmonie avec cette période de transition. 

Nous sommes heureux que Swami Baneshananda ait bien voulu nous laisser publier les transcriptions de ses visioconférences sur la Bhagavad Gita qu’il a données le 22 mai et la 5 juin au Centre Védantique.

« Tout l’univers est dans un flux perpétuel » mais l’amour et la sagesse demeurent.

 

 

 

 LE YOGA DE LA DISTINCTION ENTRE
 LE CHAMP ET LE CONNAISSEUR DU CHAMP

 Commentaires sur le Chapitre 13 de la Bhagavad Gītā

 Swami Baneshananda

 

 

La Bhagavad Gītā peut être divisée en trois sections comportant chacune six chapitres. Après avoir étudié les deux premières sections, soit les douze premiers chapitres, nous abordons maintenant avec le chapitre 13, la troisième et dernière section.

Le sujet le plus important étudié dans ce chapitre est l’unité entre l’individu et brahman, ou l’infini. Brahman est la Réalité infinie. Nous allons découvrir l’unité entre l’individu et le Tout. C’est l’unité de la nature essentielle de l’individu et du Tout. L’individu c’est le jīva, mot sanskrit se traduisant par « ce qui vit ». Ainsi les choses vivantes sont appelées jīva, et le Tout est appelé brahman.

Il y a unité entre jīva et brahman et entre leur nature essentielle. Nous avons appris en mathématiques qu’il existe une chose appelée le plus grand facteur commun. Le plus grand facteur commun est le plus petit nombre et dans ce cas, le plus petit nombre est un. Je vais vous expliquer cela – pas moi, la Gītā l’explique – lentement. Laissez-moi vous donner un exemple : nous sommes des êtres humains sur la terre ; quel est le plus grand facteur commun entre nous ? Supprimons maintenant toutes les choses qui sont liées au temps et à l’espace ; retirons notre corps qui est lié par le temps et l’espace. Que reste-t-il alors ? Ce qui reste est appelé ātman ou l’esprit de conscience. Et là, vous êtes vous. Vous n’êtes pas deux : vous êtes ici, et vous êtes là. Vous êtes maintenant, vous êtes alors.

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Visioconférences données les 22 mai et 5 juin 2020

 

Les mantras des upaniṣad parlent de cette unité en quatre phrases courtes. Ce sont des phrases représentatives des quatre veda, les quatre mahāvākya. Mahā signifie grand et vākya signifie phrase. Et mahā ne signifie pas seulement grand, il signifie : encore plus grand. Cela veut dire « une courte phrase qui contient un sens énorme ». Prenons quelques vākya, comme ahaṁ brahmāsmi, « Je suis Brahman», ou tat tvam asi, « Tu es cela ». Cette dernière section des six derniers chapitres de la Gītā analyse ces mahāvākya.

Śrī Kṛṣṇa révèle la vérité entre le plus petit, le microcosme, et le plus grand, le macrocosme. Ainsi, le microcosme a sa vraie nature. De même, le macrocosme a aussi sa nature réelle. Cette nature réelle est appelée svarūpa, ce qui signifie qu’il s’agit d’une « seule nature ». Ainsi, il y a unité entre ces deux natures réelles. Supposons que vous et moi, nous soyons différents parce que nos corps sont différents, mais que notre esprit soit un seul et même esprit.

Nous allons maintenant nous intéresser au premier thème de ce chapitre. Lorsque nous lisons une phrase dans l’upaniṣad, si elle signifie l’unité entre l’individu et l’ensemble, elle s’appelle mahāvākya. Et les six derniers chapitres de la Gītā analysent les mahāvākya. Dans la mahāvākya « Tu es cela », « tu » signifie l’individu, « vous êtes ce tout ». Dans tat tvam asi. tat signifie « cela », tvam signifie « tu » et asi signifie « es ». Par conséquent, Tat tvam asi signifie « Tu es cela ». Ces notions, vues dans les chapitres précédents, sont abordées de manière très claire et très efficace dans ce chapitre 13 qui est un chapitre important. Même les universitaires sont d’avis que le chapitre 13 est le plus important de toute la Bhagavad Gītā parce que l’essence des Écritures non-dualistes y est discutée.

La philosophie védique est une science appliquée

Śrī Kṛṣṇa souligne l’importance des valeurs morales. Dans la vie traditionnelle védique, la philosophie n’est jamais séparée de l’éthique. Dans cette tradition, la philosophie n’est pas destinée uniquement aux études universitaires, elle est destinée à mettre ces principes en pratique dans notre vie. La philosophie védique est une science appliquée. Elle n’est pas seulement une information, elle est destinée à une transformation. C’est pourquoi, dans la dernière section, Śrī Kṛṣṇa met l’accent sur les valeurs morales qui nous aideront à nous transformer de l’intérieur. Ainsi, le premier sujet est l’unité entre brahman et l’individu. Le deuxième sujet est celui des valeurs morales qui nous aident à appliquer la vérité des Écritures dans notre vie.

Ensuite, dans le troisième sujet, Śrī Kṛṣṇa parle de l’importance des recherches sur les Écritures. A ce sujet, il existe une vision traditionnelle. Certains érudits disent que la connaissance de l’unité entre le jīva et brahman est la plus élevée. Et cette connaissance ne peut s’obtenir que par l’étude systématique des Écritures. Il faut étudier les Écritures de façon systématique et formelle. Il n’y a rien d’autre à faire, il suffit d’étudier les Écritures et de faire la différence entre le Réel et l’irréel, mais c’est une méthode très difficile. Elle est destinée aux personnes très avancées dans la vie spirituelle et ces personnes doivent avoir réussi à purifier complètement leur mental.

Et ce sont les trois conditions pour suivre la voie non dualiste du vedānta. Donc, il faut être totalement pur et qualifié. Mais la liste des qualifications est très longue. Il faut avoir pratiqué la moralité pendant longtemps, il faut vivre sa vie selon les instructions des Écritures, pratiquer le retrait des sens de leurs objets. Ensuite, il faut respecter les interdictions, pratiquer la concentration. Et il faut croire que « Je suis brahman ». C’est ce qu’on appelle la méditation, mais la méditation n’est qu’une étape préparatoire qui nous aidera à commencer notre chemin non dualiste. Cette méditation est une concentration sur un objet sacré ; c’est ce qu’on appelle la « méditation orientée vers l’objet ». Dans la pratique non-duelle, on appelle cela une méditation sur l’essence des mahāvākya, c’est une méditation sur la phrase « Je suis brahman », ou simplement « Je suis ». Essayez de pratiquer la pensée que vous existez. Fermez les yeux et essayez de pratiquer cette expérience, non pas que vous êtes brahman, mais que vous êtes. Vous vous transformez en votre moi. Vous dites : « Je suis ; je sais que je suis ici et maintenant ; je sais que je suis libre de toute pensée ; je suis libre de toute pensée sur qui je suis ; je suis libre de toute pensée concernant où je suis, ou sur l’heure qu’il est maintenant ; je savoure simplement le fait de penser ». Et ne pensez même pas, appréciez simplement le « Je suis ». C’est une méditation qu’on appelle : « méditation axée sur le sujet ».

La méditation « orientée objet », centrée sur un objet est facile, mais la méditation « orientée sujet », sur soi-même, est difficile. C’est difficile parce que notre esprit est conditionné par la méditation sur les objets. Le vedānta dit que ce n’est pas si facile. La maîtrise de la méditation sur un sujet prendra donc un certain temps. Il faut d’abord entraîner le mental à la méditation sur les objets. Et après, quand vous aurez un peu de pratique, vous pourrez vous concentrer sur une méditation orientée sur le sujet.

Ce sont là les trois principales idées abordées dans ce Chapitre 13. Maintenant nous allons diviser ce chapitre en trois parties. La première partie fait l’analyse des mahāvākya. Elle analyse la nature de l’individu : qui vous êtes et qui est Dieu. Elle analyse le microcosme et le macrocosme. Et finalement nous découvrirons que les natures essentielles sont une seule et même chose.

Les différences sont des différences superficielles. Elles sont dans les noms, les formes et les fonctions. Supposons qu’il y ait des vagues sur l’océan. Dans la première des trois parties de ce chapitre, Śrī Kṛṣṇa montre que les vagues et l’océan sont une seule et même chose. Le tout et l’individu sont une seule et même chose. Chacune de ces vagues a un nom, une forme et une fonction. Ces noms, formes et fonctions permettent de différencier une grande vague d’une petite vague. Mais en substance, une grande vague ou une petite vague ne sont rien d’autre que de l’eau. Et qu’est-ce qu’un océan ? Rien d’autre que de l’eau. Ainsi, les natures essentielles de l’océan et des vagues sont une seule et même chose. Śrī Kṛṣṇa nous aide à découvrir cette nature essentielle.

Ensuite, dans la deuxième partie, il aborde les disciplines qui nous aident à réaliser cette unité. Comment découvrir cette unité ? Quelle est ma compétence ? Comment suis-je préparé à découvrir cette unité ? C’est ce qu’on appelle une analyse de la connaissance. Puis, dans la troisième partie, nous verrons les avantages de cette découverte, ses bénéfices. Quel sera le bénéfice lorsque nous découvrirons que nous sommes un ? Logiquement parlant, la réponse est très simple : l’avantage d’une telle découverte est que nous ne penserons plus que nous sommes différents.

Quelle est la nature de l'individu ?

Je vais maintenant aborder la première partie plus en détail. Quelle est la nature de l’individu ? En sanskrit, dans le vedānta, on l’appelle tvam qui signifie « tu ». Dans ce chapitre, Śrī Kṛṣṇa l’appelle kṣetra et kṣetrajña, ce qui veut dire le « champ » et le « connaisseur du champ », ou anātma et ātma. Bien que le mot «individu» signifie que vous ne pouvez pas le diviser davantage, un individu n’est pas réellement indivisible, c’est ce que dit le vedānta. C’est parce que c’est un assemblage de deux choses, même s’il n’est pas facile de savoir que nous ne sommes pas une seule personne. En effet vous n’êtes pas une personne, je ne suis pas une personne, mais un composé de deux. Deux choses ont été mélangées et elles sont si intimement mélangées qu’il est impossible de les distinguer l’une de l’autre, comme quand on mixe de l’eau avec du lait. Quelles sont ces deux choses chez un individu ? Elles sont ātma et anātma, ou bien cetana et acetana, ou en français Conscience et matière. Ātma, ou cetana, est la Conscience. Et anātma, ou acetana, c’est la matière. Acetana signifie «non conscient». Mais qu’est-ce que la conscience ? C’est la plus grande question que se pose le monde entier. De nombreuses philosophies ont tenté de définir la conscience. Même les sciences modernes, la médecine, la psychologie, la neurologie, toutes ont essayé de trouver une réponse à cette grande question. Qu’est-ce que la conscience ? Le vedānta dit qu’un individu est une combinaison de deux choses et que ces deux choses sont la matière et la conscience. Nous savons ce qu’est la matière, mais nous ne savons pas ce qu’est la conscience.

 

Le vedānta donne une explication de ce qu’est la conscience. Essayez de vous rappeler les 3P : partie, produit, propriété. La conscience n’est ni une partie, ni un produit, ni une propriété du corps. La conscience n’est pas un objet, elle n’a pas les limitations d’un objet. Elle est une entité indépendante. Indépendante signifie que si le corps n’est pas là, la conscience continuera quand même. Mais le corps ne peut pas continuer sans la conscience. Et cette conscience vit dans le corps et l’anime. Retenez ces deux aspects : premièrement, la conscience n’est ni une partie, ni un produit, ni une propriété du corps. Deuxièmement, la conscience est une entité indépendante, elle n’a aucun des 3P du corps.

Voici maintenant le troisième aspect : elle n’est pas limitée par les frontières du corps, elle n’est pas limitée par la taille du corps parce qu’elle n’est pas limitée par l’espace. Nous avons dit trois choses maintenant : la conscience n’est ni une partie, ni un produit ni une propriété du corps ; la conscience est une entité indépendante, son existence ne dépend pas du corps ; la conscience n’est pas limitée par l’espace.

Et le quatrième aspect, le plus important, est que la conscience n’est pas détruite par la destruction du corps. Qu’arrive-t-il alors à la conscience ? On dit qu’elle continue parce qu’elle n’est pas liée par le temps. Le corps est lié par le temps, le corps naît et meurt. Mais la conscience n’est pas limitée par le corps et par conséquent, elle n’est pas liée par le temps. Ce principe est appelé ātman. En sanskrit, ātman est la racine du mot ātma et c’est ce qu’on appelle cetana qui signifie conscience.

Comment puis-je connaître une telle conscience ? Il y a deux exemples bien connus l’un s’appelle l’espace : la conscience est comme l’espace ; dans le second exemple, la conscience est comme la lumière. Prenons l’exemple de la lumière. Si je vous demande ce qui se trouve dans cette pièce, vous compterez d’innombrables choses. Puis je vous demanderai si vous avez compté vos yeux ? C’est bien parce que vous avez des yeux que vous êtes capables de compter les choses dans la pièce. Mais avez-vous déjà pensé que s’il n’y avait pas de lumière, vos yeux ne pourraient pas voir ? Alors, que ferez-vous ? Vous compterez tout, même vos yeux, sauf la lumière. Je dis donc que la lumière est comme ātman, mais pensons à notre première définition de l’ātman, que l’ātman n’est ni une partie, ni une propriété, ni un produit de quoi que ce soit. De même, dans cet exemple, la lumière n’est ni une partie, ni un produit, ni une propriété des yeux. La lumière est intimement associée aux yeux, mais la lumière ne fait pas partie des yeux. La lumière peut donc être comparée à ātman. C’est pourquoi les gens pratiquent la méditation sur la lumière, parce qu’elle a une telle signification très sacrée.

Nous allons maintenant appliquer cet exemple de la lumière à la deuxième partie de la définition. La lumière est une entité indépendante. Sans lumière, les yeux ne peuvent pas voir, mais la lumière sera toujours là quand vous fermerez les yeux. Vous ne pouvez pas dire que vous fermez les yeux et que la lumière disparaît. Ātman est comme cela, une entité indépendante qui ne dépend pas du corps, il ne possède aucun des 3P du corps.

Ensuite, la troisième chose selon notre définition est qu’il n’est pas limité par l’espace. Les yeux sont limités parce qu’ils sont attachés à mon corps. Mais la lumière n’est pas attachée à mon corps, ni au corps de chacun. La lumière est partout, donc elle n’est pas limitée par l’espace.

Maintenant, le quatrième aspect, qui est appelé la limitation du temps. Les yeux nous aident à reconnaître les choses quand il y a de la lumière. Ainsi, la lumière s’exprime à travers un médium. Ce médium s’appelle les yeux. Sans les yeux la lumière est là, mais elle n’est pas reconnaissable parce que le médium n’est pas là. C’est donc ce qu’on appelle la manifestation de la lumière. Donc si les yeux ne sont pas là, la lumière ne se manifeste pas, mais on ne peut pas dire pour autant que la lumière n’existe pas. Lorsque j’ouvre les yeux, la lumière se manifeste, je peux alors reconnaître les choses, je peux reconnaître qu’il y a de la lumière. Mais si je ferme les yeux, la lumière ne se manifeste pas. La lumière ne se manifeste pas pour moi, mais malgré cela je ne peux pas dire qu’il n’y a pas de lumière.

De même ātman, la conscience, se manifeste par le biais du corps. Et, s’il n’y a pas de médium – le corps n’est pas là – elle ne se manifeste pas, mais comme on ne peut pas dire qu’il n’y a pas de lumière, nous ne pouvons pas dire non plus qu’il n’y a pas de conscience, pas d’ātman. Donc, la conscience se manifeste par le biais du médium, c’est pourquoi on l’appelle la conscience manifestée. Et lorsque le corps n’est pas là, on l’appelle conscience non-manifestée. Que la conscience se manifeste ou non, elle est toujours là. La conscience est auto- lumineuse. Elle n’a pas besoin d’aide pour se manifester, comme le soleil qui éclaire toutes les choses manifestées par sa lumière. Mais vous n’avez pas besoin de lumière pour voir le soleil. Donc nous n’avons pas besoin d’aide pour savoir que nous sommes là. Quand je médite sur moi-même, je n’ai besoin d’aucun objet pour méditer. Je médite sur moi-même. Même mon processus de pensée est réduit à zéro et je suis alors dans ma nature réelle. C’est ce qu’on appelle ātman, c’est ce qu’on appelle la conscience. Suis-je conscient que je suis ? Oui. Alors je suis conscience.

Jusqu’à présent, nous avons vu que Śrī Kṛṣṇa dit qu’un individu est un mélange de deux choses. Et maintenant, il va un peu plus loin en disant que le mental et la conscience sont des choses différentes. Nous savons que la conscience est réelle alors que la matière est relative. Le vedānta a découvert cette vérité il y a environ 8 000 ans. Le Vedānta dit que le composé corps-mental est fait de matière. Ce complexe corps-mental est appelé kṣetra, ce qui signifie le champ. La conscience est appelée le connaisseur du champ, kṣetrajña. Le vedānta dit que le mental est la matière. Nous devons garder à l’esprit que ātman, la conscience, n’inclut pas le mental. Le mental va avec le corps, pas avec la conscience. Nous avons dit que dans le complexe corps-mental, le corps et le mental sont tous deux de la matière. L’un est de la matière brute, l’autre est de la matière subtile. C’est un peu comme la conversion de la matière en énergie. Nous savons que l’énergie est subtile et qu’en réalité c’est de la matière subtile. L’énergie est plus extensible et également plus puissante. Supposons que le mental soit comme de l’énergie, nous savons donc que la psychologie du vedānta a séparé le mental de l’ātman. Ainsi, le Soi est séparé du mental et le Soi est une base très solide. C’est pourquoi nous pouvons compter sur notre Soi pour réparer le mental s’il y a un problème. Si j’ai un problème psychique je peux prendre du recul et réparer mon mental, comme je réparerais n’importe quel autre objet. Mais l’hypothèse que le mental veut se réparer lui-même amène beaucoup de confusion. Si nous n’acceptons pas cette séparation, il se passera quelque chose de bizarre. Supposons que vous soyez chirurgien et que vous vouliez faire une opération sur votre propre corps, vous ne pouvez pas être à la fois le médecin et le patient. Le médecin ne peut pas se mettre sous anesthésie et ensuite s’opérer lui-même. C’est la même chose lorsque nous essayons de réparer le mental avec l’aide du mental. C’est pourquoi la science du mental est si compliquée. Si nous avons une solide base spirituelle et que nous pouvons nous reposer sur notre Soi, l’ātman, alors il nous sera facile de réparer notre mental. C’est pourquoi nous avons vu que la pratique spirituelle aide les gens à se débarrasser de leurs problèmes mentaux. Ainsi, le vedānta a séparé le mental du Soi, ātman. Le mental et le corps sont faits de matière et la Gītā dit que chacun d’entre nous est un mélange des deux que sont la matière et la conscience. Nous sommes un mélange des deux et nous ne faisons qu’un avec brahman.

Venons-en à la deuxième leçon que nous tirons de ce sujet. Une fois que j’ai compris que je suis composé de deux choses et que ces deux choses sont la matière et la conscience, alors lequel de ces deux est le « Moi » réel et lequel est le « Moi » relatif. Lequel est le « Moi » réel et lequel est l’accessoire ? Tout ce qui est accessoire provient d’une addition de ce qui peut venir de ce qui peut partir. Supposons que je dise que je suis le corps et que je mette une chemise. La chemise est accessoire. Et mon corps est « Moi ». La chemise est un accessoire parce qu’elle peut aller et venir, et tout ce qui est ma nature réelle est permanent. Prenons un autre exemple : dans l’eau chaude, la chaleur et l’eau sont deux choses distinctes. Est-ce la nature réelle de l’eau d’être chaude ou sa nature accessoire ? Par nature, l’eau n’est ni chaude ni froide. La chaleur de l’eau chaude est séparée de l’eau. Dans le feu, si vous séparez le feu de la chaleur, alors ce n’est plus du feu. La chaleur est donc la nature réelle du feu et la nature accessoire de l’eau. Il en est de même pour notre nature physique, notre nature émotionnelle et notre nature psychologique. On les appelle accessoires parce qu’elles peuvent changer, elles peuvent aller et venir. Je peux changer ma nature émotionnelle — maintenant, je suis en colère, mais je peux devenir heureux, je suis haineux mais je peux devenir aimant — donc ces natures physique, émotionnelle et intellectuelle sont accessoires. Elles ne sont pas notre nature réelle. Supposons que j’aille dormir. Alors, j’abandonne ma nature physique — je ne suis plus gros, ni petit, ni grand. Quand je rêve, j’oublie ma nature physique. Et quand je m’endors profondément, j’abandonne ma nature émotionnelle. J’oublie la jalousie, la colère, tout. Quand je dors, j’oublie ma nature intellectuelle, je ne sais pas si je suis érudit ou analphabète, c’est ma nature accessoire. Mais dans le sommeil profond, une seule nature demeure. Dans ces trois phases, l’état de veille, l’état de rêve et l’état de sommeil profond, je sais que ce sont toutes mes expériences et je sais donc que je suis la même personne. Je suis la même personne qui s’endort. Je suis la même personne qui s’endort profondément, mais je ne suis pas le même corps physique. Parce que je change mon corps. Le corps physique qui fonctionne à l’état de veille ne sera pas là dans l’état de rêve. Et le corps mental de l’état de rêve ne sera pas là lorsque je serai en sommeil profond. Je suis éveillé, je rêve, je dors. Ces trois « Je » sont donc identiques. Le corps physique est éveillé, le corps mental est en train de rêver, et dans le sommeil profond, ils ne sont plus là. Je suis séparé des états du corps.

C’est pourquoi le vedānta dit que nous décidons lequel est le vrai Soi. Je déciderai que je suis le principe de conscience. Supposons que j’ai des lunettes de lecture. Ces lunettes sont mes instruments. J’utilise mon corps et mon esprit comme des instruments pour interagir avec le monde. Je les utilise comme instruments pour expérimenter le monde. Śrī Kṛṣṇa pose la question : « Acceptez-vous cela ? » Nous devons l’accepter parce que c’est notre expérience, le vedānta dit que nous devons changer notre niveau de conscience. En général, je dis : « je suis le corps », et ensuite je dis : « j’ai conscience ». « Je suis le corps et j’ai une conscience ». Le Vedānta dit vous devez inverser ces deux propositions, vous devez maintenant dire : « je suis la conscience » et « j’ai un corps ». Je ne suis pas le corps mais je suis la conscience et cette conscience a un corps. Je change mon niveau de conscience : « j’ai un corps et ce corps expérimente le monde ». Mais le corps est temporaire. Sans corps, comment faire des expériences ? Les expériences que nous faisons du monde sont dépendantes du corps. Imaginons que je change mon corps en un corps d’ange ou en un corps d’animal, alors je vais avoir une expérience d’ange, ou une expérience d’animal. De la même manière je ne dis pas : « je suis une expérience », je dis : « j’ai une expérience ». Je reste la même conscience, je deviens un être conscient en relation avec le corps, et je prends contact avec le monde grâce à mon corps. Lorsque je communique avec le monde à l’aide du corps, on m’appelle un être conscient, sinon on m’appelle conscience. Mais je suis une pure conscience sans aucune sorte de corps. Et quand je suis une pure conscience, je suis l’un sans second.

Le vedānta analyse cela : il dit que je suis un être conscient différent du monde, différent du corps, différent du mental, donc je suis la conscience. Il y a une loi fondamentale dans le vedānta. Cette loi est la suivante : « Je suis différent de tout ce que j’expérimente ». Supposons que je vois une maison, je dirai que je suis différent de cette maison. Quoi que j’expérimente, je suis différent de cette expérience ; je suis différent de mes expériences parce que les expériences sont mes objets, alors que je suis le sujet. Et le sujet est toujours différent de l’objet. Je suis l’éternel sujet, cela est une grande vérité que nous ne remarquons généralement pas. Laissez- moi vous donner un exemple : supposons que mes yeux soient capables de voir tout ce qui se passe dans le monde. Comme mes yeux sont le sujet, ils peuvent faire l’expérience de tous les objets. En tant que sujet, les yeux peuvent voir n’importe quel objet, mais ils ne peuvent pas se voir eux- mêmes. Supposons que vous disiez que vous voyez vos yeux dans le miroir ; c’est faux, vous ne voyez pas vos yeux mais vous voyez leur reflet. Alors nous pouvons dire que cette loi prouve une très grande vérité qui est qu’un sujet ne peut jamais se voir ou se connaître comme un objet. Le patient ne peut pas pratiquer une opération sur lui-même en tant que médecin. Si je suis le sujet, je ne peux pas me connaître en tant qu’objet parce que je ne peux pas me diviser en deux « moi ». Si je suis le seul sujet, alors comment pourrais-je me transformer en objet par ma propre connaissance ?

Si vous voulez savoir qui vous êtes, alors pensez que vous n'êtes pas ce que vous vivez

Par conséquent, l’expérimentateur ne fait jamais l’expérience en tant qu’objet. Cela soulève une question : « si je ne peux pas m’objectiver, comment puis-je me connaître moi-même puisque tout ce que je connais ce sont des objets ? Alors comment puis-je me connaître ? ».   Le Vedānta dit : « Si vous voulez savoir qui vous êtes, alors pensez que vous n’êtes pas ce que vous vivez ». Que se passera-t-il à la fin ? Le monde entier sera négatif parce que le monde entier est votre expérience. Cette procédure est le fameux neti neti. Le mot neti, na-iti, signifie « pas ceci », donc si vous me demandez si je suis cette table, je peux vous dire que je ne suis pas la table, parce que la table est mon expérience, c’est mon objet et je ne suis pas l’objet. Je ne suis pas ceci, je ne suis pas cela, c’est mon expérience, c’est le neti. Je peux dire que je ne suis pas mes lunettes de lecture, mais il est difficile de dire que je ne suis pas le corps parce que le corps et le mental sont quelque chose que je pense être. Maintenant, appliquez la logique précédente, si je peux faire l’expérience de quoi que ce soit, cette chose deviendra mon objet. Et je serai séparé de cette chose, parce que je suis le sujet, l’expérimentateur. Ensuite, je pose la question : « est-ce que je fais l’expérience de mon corps ? » Oui, je peux faire l’expérience de mon corps. Même mes yeux peuvent voir le corps. Par conséquent, le corps est un objet et il est mon objet. Je suis le sujet, donc je suis différent du corps. De même, je suis en colère, ou je suis heureux, je ressens de la colère, je ressens du bonheur, donc la colère et le bonheur sont mes objets. Et je suis le sujet, donc je suis séparé de mes objets. Je suis donc différent de mon mental et de mon corps. Cela nous amène à l’idée très effrayante qu’en annulant toutes mes expériences, je n’existerai pas. Vous pensez qu’avec la fin de vos expériences, viendra aussi votre fin. Mais Śrī Kṛṣṇa nous rassure en nous disant que la fin de nos expériences n’est pas notre fin. Il s’agit de vous séparer de vos expériences ; et lorsque vous êtes capables de séparer votre Soi de vos expériences, alors vous vous découvrez. C’est ce que dit Śrī Kṛṣṇa dans la deuxième partie du treizième chapitre de la Gītā. Il dit que ce corps est le champ que vous pouvez connaître.

Jusqu’à présent nous avons analysé qui je suis, qui est cet individu jīva. C’était l’analyse du microcosme. Nous passons maintenant à l’analyse du macrocosme. Macrocosme désigne Dieu. Et dans le vedānta ce Dieu s’appelle Īśvara. Maintenant, Śrī Kṛṣṇa dit que, en tant que jīva, Dieu est aussi un mélange de deux choses. Vous avez peut-être entendu ces deux mots très célèbres, puruṣa et prakṛti. Quelle est donc la différence entre ces deux mots ? Puruṣa signifie le principe de la conscience et prakṛti signifie la matière. Nous allons essayer de les comparer afin de savoir en quoi ils sont différents. Tout d’abord, examinons leur point commun. Le trait commun à Dieu et à la matière est que Dieu est sans commencement et que la matière est également sans commencement. Ainsi prakṛti, ou la matière, n’a pas de commencement. Dieu n’est pas créé et de même prakṛti n’est pas créée non plus. C’est ce qui est dit dans le verset 20 du 13ème chapitre. Donc, si Dieu est sans commencement et que la matière est sans commencement, alors le composé des deux sera également sans commencement. C’est là le trait commun entre Dieu et la matière.

Mais il y a tout de même quatre différences !

Nous avons examiné la question au niveau individuel, microcosmique. Maintenant nous traitons la question au niveau macrocosmique. Ainsi, la première différence est que Dieu est un principe de conscience et que la matière, prakṛti, est un principe de matière basique. Prakṛti est la matière à partir de laquelle l’univers entier a évolué. Et l’univers entier comprend chaque individu. Il contient la partie matérielle de l’univers. Nous avons déjà discuté du fait qu’un individu est un mélange de deux choses : la conscience et la matière, ātman et la matière. Cette matière mentale fait donc partie du cosmos. Une partie de moi fait donc partie de l’univers et une autre partie de moi – cette partie de conscience que l’on appelle puruṣa – fait partie de Dieu. Une particularité de la matière est qu’elle ne peut être ni créée ni détruite. C›est ce que disent les sciences modernes et ce que disent le vedānta et Śrī Kṛṣṇa. On ne peut ni créer ni détruire la matière. Même Dieu ne peut ni créer ni détruire la matière. La question se pose alors de savoir ce qui se passe si nous disons que Dieu est omnipotent. Omnipotent signifie qu’il peut faire tout ce qu’il veut. C’est une mauvaise interprétation. Omnipotent signifie que Dieu fera ce qui peut être fait. Dieu ne peut pas faire ce qui ne peut pas être fait. Parce que Dieu doit respecter sa propre loi. Ainsi la Gītā dit, tout comme les sciences modernes, que la matière ne peut être ni créée ni détruite et que le sens d’« omnipotent « est « Dieu fera ce qui peut être fait. »

La deuxième différence est que la conscience n’est pas sujette à modification. La matière ne peut être ni créée ni détruite, mais la matière peut être modifiée. Nous savons que chaque jīva, ou individu, a trois états : l’éveil, le rêve et le sommeil profond. Ce sont des états du corps-mental, mais ce ne sont pas des niveaux de conscience. Maintenant, ici au niveau macrocosmique, la matière entière peut avoir deux états : l’état potentiel et l’état manifesté, ou état brut. Ainsi, les états appartiennent à la matière.

La troisième différence est que la conscience ne peut pas être divisée en parties, mais on peut diviser la matière.

Et la quatrième différence est que la conscience est la vérité. La conscience se révèle à elle-même et la matière a besoin de la conscience pour la révéler. Voici donc les différences.

Voilà, en quelque sorte, l’essence du treizième chapitre. Il y a bien encore quelques autres sujets annexes, l’un d’eux étant comment la création vient à l’existence. Comme je l’ai dit, la matière possède deux états, de telle sorte que la création est toujours là sous sa forme potentielle et elle se manifeste dans le monde. La science moderne parle de la théorie du Big Bang. Que cette théorie dise la vérité ou non, nous ne pouvons pas le savoir. Elle dit que la matière évolue comme toute matière. Mais avant l’évolution, qu’y avait-il ? La science moderne ne répond pas à cette question. Elle dit à un point précis et unique, le temps a commencé. On ne peut pas compter le temps avant cela. Parce qu’il n’y a pas d’avant. La Gītā dit qu’il y a aussi un avant. Mais cet avant est sous une forme potentielle. C’est au-delà du temps. Nous vivons dans l’univers lié à l›espace-temps, nous ne pouvons donc même pas concevoir mentalement ce qui est au-delà de l›espace-temps. Il nous est difficile de comprendre cette idée. Il y a beaucoup de choses que nous ne connaissons pas dans ce monde, mais cela ne veut pas dire que ces choses n’existent pas. De même, cet univers en tant que matière potentielle était là avant la création et cette forme de l’univers est au-delà du temps.

 

 


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