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Frère Benoît Billot - Sequana

 

 

 

 

Petit matin ; je descends dans la combe qui abrite les sources de la Seine. J’entre dans le domaine qui lui a été aménagé, un frais vallon entouré de grands arbres, et m’avance précautionneusement sur la prairie bien tondue. Ici naissent de fins filets d’eau qui nourrissent l’originel ruisseau. Dans le minuscule sillon formé par l’un d’entre eux, l’herbe n’a pas été coupée, si bien qu’y croissent en liberté menthe, cardamine, renoncule, reine des prés… toutes, plantes de lieux humides. Je m’arrête au lieu d’origine de ce ruisselet, et me penche avec attention sur cette sorte de sexe féminin sortant de l’herbe rase de la prairie. Il en émane une eau pure que je n’aperçois pas, mais dont j’entends distinctement le doux murmure. Les arbres semblent étendre leurs branches pour protéger cette fragilité. Mystère de la naissance, impression de sacré, qui me fait rejoindre les Hommes de tous temps. 

Car, me redressant, je découvre, située un peu plus haut, une statue dont je vais vite comprendre qu’il s’agit de la déesse Séquana. M’en approchant,  je remarque des gerbes de céréales, des pommes de pin et des fruits déposés là en offrande. Un passant m’apprend qu’il s’agit de rites destinés à appeler la bénédiction du ciel sur les récoltes et cueillettes. Les pèlerins de l’antiquité venaient là en foule, dans l’espoir de se faire guérir, et y laissèrent de très nombreux ex-voto découverts lors des fouilles.
Avant que la foi chrétienne ne pénètre cette région de forêts, les tribus celtes avaient bien compris qu’il s’agissait du lieu de naissance de la Seine et y avaient édifié un sanctuaire dont les restes, découverts il y a deux cent ans, attendent de futures explorations.

Nos prédécesseurs avaient conscience de la dimension sacrée de cet engendrement et l’exprimaient par cette statuaire antique dont on retrouva des fragments au cours de fouilles, et dont je voyais une reconstitution. Je m’arrête et m’incline devant l’austère sculpture, qui, assise sur un siège rituel, attend les hommages des pèlerins. 

Puis je m’avance vers l’étonnante et pompeuse alcôve en pierre, édifiée au 19ème siècle, qui abrite la source la plus importante. La statue de cette époque, trop abîmée pour être conservée, fut remplacée au 20ème par une autre. Jeune femme demi-nue étendue sur la pierre, elle tient d’une main une grappe de fruits divers, et est appuyée de l’autre sur l’amphore d’où est sensée sortir la jeune Seine. Elle domine le bassin d’où part le ruisseau qui ne cessera de grossir, deviendra fleuve, et se fondra dans les eaux de la mer après 776 kilomètres de parcours.

Je médite un moment dans l’étonnant silence de ce lieu de fécondité. Il me dit que tout commencement est sacré, car il porte trace en lui de la pureté absolue de la Divine Origine. Cette source qui sort, limpide, du ventre fécond de la terre est symbole vivant de cette Origine qui donne vie, et du soin que celle-ci apporte à l’entretenir. L’eau du fleuve sera mille et mille fois utilisée au long de son parcours, mille fois purifiée par les innombrables stations d’épuration. Et tout au long de sa vie de fleuve, elle chantera en écho lointain du murmure de sa source. Cependant, rien n’égalera ce chant secret et originel qui se fait entendre ici, écho d’un autre chant, audible seulement aux oreilles intérieures, celui de la divine Source.

  Comme l’écrivait Ryokan[1] :

« Je marche le long d’un cours d’eau,

cherchant sa source…

Perplexe,

 j’arrive là où la source semble commencer,

réalisant qu’on n’atteint jamais

la Source véritable.

Appuyé sur ma canne,

partout autour,

le murmure de l’eau. »

Frère Benoît Billot
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[1] Ryokan, moine zen japonais du 19° siècle. Citation empruntée à  « Ryokan, moine zen », de Michiko Ishigami Iagolnizer.

 


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