Swami Vivekananda en France

Svāmi Vivekânanda en France 

Ce texte est en majeure partie extrait du livre de Swami Vidyatmananda – Vivekânanda en Europe - CVR éditions Si les séjours de Vivekânanda aux Etats-Unis sont bien connus, ses séjours en France le sont moins. Bien que de plus courte durée, ils ont durablement marqué la présence de la philosophie du vedānta et du yoga en France.
Vivekânanda est venu plusieurs fois en France. D’abord, il a fait un court séjour à Paris en 1895, étant témoin du mariage de son ami Francis Leggett, riche homme d’affaires de New-York. Il s’est ensuite rendu en Angleterre, avant de retourner en Amérique. En 1896, il a fait deux courts passages en France lors de voyages qui l’ont conduit d’Angleterre en Suisse, puis en Allemagne et en Italie, avant de retourner en Inde.
Lors de son second voyage en Occident, il séjourna en France plus longuement en 1900, à l’issue de son dernier séjour aux Etats-Unis. Sa présence à Paris de 1900 était motivée par l’Exposition Universelle de Paris et la réunion du Congrès international de l’histoire des religions où il pris plusieurs fois la parole. Certes, cette réunion n’a pas eu le même retentissement que le Parlement des religions tenu en 1893 à Chicago, où il prononça son célèbre discours, mais elle permit à Vivekânanda de montrer son intérêt pour la France et en particulier pour la ville de Paris. De Paris il dit : « Paris est la source de la civilisation européenne comme Gaumukh est la source du Gange. Cette grande métropole est une vision du ciel sur la terre. […] L’Université de Paris est le modèle des universités européennes ». Il vécut à Paris dans plusieurs lieux différents. Il habita d’abord chez Gérard Noble rue Gazan où une plaque fait mention de son séjour, puis chez les Leggett, ses amis américains, au 6 Place des Etats-Unis, à proximité des lieux de l’Exposition Universelle. Plusieurs réunions importantes se sont tenues dans cet appartement. Swamiji y donna de nombreuses conférences sur la philosophie du vedānta devant une société cosmopolite et il y rencontra des personnalités marquantes du monde intellectuel et artistique parisien tels que le sculpteur Auguste Rodin, l’actrice Sarah Bernhardt ou la cantatrice Emma Calvé.
Il fit également deux séjours en Bretagne à Perros Guirec qui était alors un petit village de pécheurs près de Lannion. Il y retrouva sa disciple irlandaise Sœur Nivedita qui y séjournait chez une amie avec d’autres intellectuels américains ou français, proches du Swami. Autant son séjour à Paris fut animé et actif entre réunions et conférences, autant son séjour en Bretagne fut méditatif entre la contemplation de la mer, les visites dans les petits villages bretons avec leurs églises et leur calvaires. Peut-être assista-t-il à un pardon breton, curieux qu’il était de toutes sortes de coutumes religieuses qui lui rappelaient peut-être les cérémonies hindoues. S’intéressant à tous les lieux saints, il visita le Mont-Saint-Michel, et, fait notable, justement le 29 septembre, jour de la fête de l’archange saint Michel, comme un pèlerin, ce qu’il fut durant toute sa vie.
Dans sa biographie de Svāmi Vivekânanda, Romain Rolland précise : « Il est toujours plus pénétré des ressemblances entre l’hindouisme et le catholicisme romain. Bien loin qu’il sente entre Europe et Asie une différence de nature, il est convaincu que tout contact profond de l’Europe avec l’Asie doit fatalement amener une renaissance de l’Europe qui renouvelle sa provision vitale des idées spirituelles d’Orient. »
Quand il revint à Paris, il résida chez l’écrivain Jules Bois près du Parc Montsouris où il put mieux connaître la culture française. Il a visité de nombreuses fois l’Exposition Universelle et il y a échangé avec de nombreux penseurs contemporains, ce qui lui a permis de déclarer que Paris, alors, était « le centre du monde civilisé ». Swamiji a profité de sa présence en France pour apprendre le français. sans doute ne le parlait-il pas assez bien pour prononcer une conférence mais il existe plusieurs lettres manuscrites écrites en français qui prouvent qu’il maîtrisait notre langue. De son propre avis, on peut retenir que le Congrès de Paris de 1900 ne fut pas très important, plus tourné vers l’érudition et l’histoire que vers la spiritualité, et cela par la volonté-même de l’Église catholique. S’il n’y a pas tenu de rôle officiel, il prononça des conférences à la Sorbonne, lieu où quarante ans plus tard, Swami Siddheshwarananda devait à son tour prononcer des conférences fondatrices de la présence de la mission Râmakrishna en France. Vivekânanda y parla du développement de la religion hindoue depuis les origines, en attribuant la place la plus importante à l’animisme et au culte des ancêtres. Il contesta certaines vues exposées par d’autres orateurs sur le śiva-lingam et sur une interprétation des principes masculins et féminins. Il insista sur le point de vue souvent erroné des orientalistes européens et il insista sur la renaissance de l’influence des upaniṣad. Selon Romain Rolland, il parla des Veda comme base commune de l’hindouisme et du bouddhisme. Il soutint la priorité de Kṛṣṇa et de la Gītā sur le bouddhisme et repoussa la thèse de l’influence hellénique sur le drame, les lettres et les sciences de l’Inde.
Dans son livre "Vivekânanda en Europe", Swami Vidyatmananda écrit : « Il semble que, pour Swami Vivekânanda, les trente-neuf ans passés ici-bas ne furent qu’une apparition dans un très étrange congrès. Il y agit magnifiquement, il y parla en créateur. Certains l’ont entendu et oublié. Certains l’ont entendu et se sont souvenus. D’autres l’entendront dans l’avenir ! Et le monde, comme le congrès de 1900 à Paris, fut honoré de sa brève apparition ! »