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Vedānta 225 - Edito et Article de Swami Devapriyananda

Pour ce numéro 225 du Védanta, nous vous proposons :

- un article de Swami Devapriyananda, président du Centre Védantique Ramakrishna, qui est la transcription de conférences sur le thème, notamment, des six joyaux à acquérir pour atteindre la réalité du vedanta.
- Puis la transcription d'un dialogue entre Swami Siddheswarananda et le docteur Godel sur les états de veille, de rêve et de sommeil profond ;
- et un extrait du livre de Krishnaswamy Iyer, Védanta, science de la réalité, sur le même thème.
- Enfin la suite du Journal de Voyage de Swami Vivekananda.

Bonne lecture !

 

 

Cours donnés par Swami Devapriyananda en novembre et décembre 2021           

 

ॐ सह नाववतु ।
सह नौ भुनक्तु ।
सह वीर्यं करवावहै ।
तेजस्वि नावधीतमस्तु मा विद्विषावहै ।
ॐ शान्तिः शान्तिः शान्तिः ॥

 

oṃ sahanāvavatu
saha nau bhunaktu
saha vīryaṃ karavāvahai
tejasvināvadhītamastu mā vidviṣāvahai
oṃ śāntiḥ śāntiḥ śāntiḥ

Taittiriya upaniṣad, Katha upaniṣad et Shvetashvatara upaniṣad.

 

Om

Puisse-t-Il nous protéger tous deux (celui qui enseigne et celui qui écoute),

Puissions-nous être tous deux nourris par cette étude,

Puissions-nous travailler ensemble avec énergie,

Puisse cette étude être lumineuse,

Puissions-nous ne pas être en désaccord sur ce qui doit être compris,

Paix, paix, paix.

 

La paix est invoquée trois fois pour :

  • adhidaivika (les forces de la nature),
  • adhibhautika (les autres êtres vivants),
  • adhyatmika (en nous-même)

 

 

Quel est l'objet du vedānta ? Pour résumé, il permet de nous aider à manifester le divin présent en chacun d'entre nous.

 

Notre vie est régie par la loi de causalité (karma). Nos actions, ou non action, y compris en pensées, ont leurs conséquences.

 

Il existe différents types de karma : 

Nitya karma, les rituels quotidiens. Cela comprend beaucoup de choses comme se laver, prendre les repas, se brosser les dents, travailler, prier, lire les écritures sacrées...

 

Naimittika karma, ce sont les rituels qui se font occasionnellement : le rituel du mariage, donner le nom à la naissance, la cérémonie de la première nourriture solide, le rituel du décès, les rituels tous les ans pour mettre des fleurs et prier pour ceux qui sont partis, le rituel avant la construction d'une maison...

 

On peut se demander pourquoi il est nécessaire de prier chaque jour. Cela devient une bonne habitude, et plus de bonnes habitudes sont installées moins il y a de temps pour les mauvaises. C'est la première raison. La seconde étant qu'en répétant de bonnes activités cela laisse des impressions positives dans notre esprit. Ces impressions sont appelées saṃskāra en sanscrit. Quoi que nous fassions, quoi que nous pensions, cela laisse des traces dans notre esprit. Ces impressions lorsqu'elles sont positives, sont un soutien dans la vie.

 

Prenons l'exemple d'un enfant qui aura grandi dans un environnement agréable sans avoir jamais fait de mal à personne et qui un jour, pour certaines raisons, se retrouve à donner un coup à un autre enfant dans la cour de l'école. Cette réaction dont il n’aura pas l’habitude le fera réfléchir. Son cœur, parce qu'il sera habitué à de bonnes actions, le guidera pour lui faire comprendre que ce n'est pas juste et l'inciter à ne pas recommencer.  C'est parce qu'auparavant son esprit aura été construit de bonnes impressions mentales, dans un bon environnement qu'il aura plutôt tendance à bien réagir. C'est de cette manière que les bonnes impressions présentes dans l'esprit aident à ne pas réaliser de mauvaises actions. L'inverse est tout aussi vrai.

 

On trouve d'autres types de karma dans les écritures. Certaines actions, comme des prières ou certaines austérités sont réalisées pour nettoyer l'esprit et le corps.

Il y a des personnes qui diminuent ou augmentent leur nourriture en fonction du cycle de la lune. De la pleine lune à la nouvelle lune, ils diminuent leur nourriture, pour l'augmenter à nouveau, ce peut être pendant un mois ou plusieurs. Ou bien, il est possible de jeûner pendant un certain temps.

Ces actions sont là pour contrôler le corps. Ne pas permettre au corps de profiter des plaisirs du monde permet de se rappeler de ne pas faire ou refaire de mauvaises actions.

Il y a aussi d'autres méthodes comme upasana, ou répéter les noms de Dieu.

Tous ces moyens servent à nettoyer notre esprit. Ils ont donc un rôle très important.

C'est appelé chitta suddhi, la purification de l'esprit.

 

Quand un miroir est recouvert de poussière, il ne peut pas refléter le soleil correctement. Si petit à petit nous parvenons à le nettoyer, alors il pourra le refléter parfaitement.

 

Un jeune swami demanda un jour à recevoir l'enseignement à Swami Jagadananda, expérimenté. Il vint s'agenouiller aux pieds du maitre, prêt à recevoir l'enseignement, et le maitre lui dit seulement :

Brahma satyam jagat mithya (Verset 20 du Viveka chudamani)

« Seule la conscience existe » Puis plus rien.

 

C'est la seule connaissance à avoir. Tous les livres et les cours ne servent qu'à comprendre ça.

Swami Vivekananda avait l'habitude de dire qu'il y existe beaucoup de livres sur la philosophie védantique, mais que ce savoir reste dans les livres si on ne parvient pas à l'intérioriser.

La religion, c'est la réalisation. Tant que nous ne parvenons pas à « Le » réaliser dans notre cœur, quoi qu'il y ait de bon dans les livres, cela reste dans les livres.

Beaucoup de sages ont parlé de la même chose, mais cette connaissance ne sert pas si nous ne parvenons pas à la réaliser réellement en nous-même. Il existe différents chemins pour y parvenir.

 

Les six joyaux
Ṣaṭka sampattiḥ

 

Le vedānta nous montre le chemin vers la divinité. Tout le monde est potentiellement divin et nous devons essayer de le manifester
dans notre vie. Si beaucoup s'y efforçaient, cela apporterait de grands changements dans le monde.

Il est dit que pour y parvenir nous devons suivre certaines étapes, et avancer au fur et à mesure.

 

Quels sont les moyens d'y parvenir ?

 

  • Discerner l'impermanent, l'éphémère de ce qui est éternel, immuable (viveka)
  • Agir sans motivation égocentrique ou égoïste (karma yoga)
  • Acquérir les six joyaux (saṭka sampattiḥ),

 

Pour acheter une voiture nous avons besoin d'avoir épargné de l'argent. Pour accomplir un travail, quel qu'il soit, nous devons auparavant avoir acquis certaines connaissances, nous être entrainés, avoir de l'expérience. Un fermier qui sait comment cultiver son champ ne sera probablement pas capable de comprendre la théorie de la relativité, et le physicien ne saura pas cultiver un champ. Le chercheur ne pourra accomplir son travail que s'il est passé par de longues études. Un musicien a besoin de beaucoup d'entrainement pour développer son art. Les personnes qui s'occupent de créer un vaccin ne peuvent le faire que parce qu'elles ont acquis au préalable une certaine expérience. C'est la même chose pour le vedānta. Pour réaliser la réalité spirituelle, il est nécessaire de développer des compétences spécifiques par l'étude et l'entrainement. Si nous voulons prendre conscience de notre lumière intérieure, nous devons être suffisamment qualifié.

Pour cela, nous avons besoin d'acquérir six types de richesse, six qualités précieuses pour notre vie.

 

Ṣaṭka sampattiḥ :

 

  1. śamaḥ : le contrôle interne du mental
  2. damaḥ : le contrôle externe de nos actions avec le monde.
  3. uparatiḥ : le pouvoir de retirer le mental d'un sujet, quel qu'il soit.
  4. titīkṣā : la stabilité intérieure.
  5. śraddhā : le respect, l'obéissance, la foi, la confiance dans l'enseignement.
  6. samādhānaṁ : la concentration, le pouvoir de focalisation.

 

śamaḥ : le contrôle interne du mental

 

Nous devons apprendre à contrôler notre esprit, à garder l'esprit calme, sans agitation.

Lorsque nous essayons de regarder en nous-même, nous pouvons comprendre à quel point il est difficile et important d'avoir ce contrôle intérieur.

Nous pouvons commencer par essayer, puis avec l'entrainement, il sera possible de progresser.

 

Nous pouvons identifier ce qui nous écarte de ce contrôle. Par exemple, lorsque nous agissons en fonction de ce que d'autres nous disent de faire ou de ne pas faire, nous ne contrôlons pas notre propre vie. De même, lorsque nous nous laissons entraîner par nos passions. C'est presque comme si quelqu'un d'autre prenait les rennes de notre vie et nous n'avons plus le contrôle de nous-même.

Dans la méditation, nous sommes assis mais l'esprit vagabonde parce qu'il n'est pas contrôlé.

Ce contrôle intérieur, cette maitrise de soi sont très importants.

 

Damaḥ : le contrôle externe de nos actions

 

Il s'agit de contrôler nos actions externes : sélectionner de bonnes lectures, de bons films, nos activités, relations... s'abstenir d'en pratiquer de mauvaises. Cela concerne tout type d'action.

 

Il y a aussi le cas où nous ressentons que ne devons pas faire quelque chose et cependant nous le faisons quand même.  Développer la capacité de nous en abstenir est essentiel.

 

Nous devrions également faire attention à ne pas nous influencer tout seul. Comme par exemple lorsque l'on fait certaines choses en sachant qu'on ne devrait pas juste pour être en compagnie.

 

C'est aussi parvenir à maitriser nos réactions, lorsqu'un événement se produit et que nous réagissons, indépendamment de notre volonté. Si on dit à un enfant « Regarde, tu as une queue derrière toi », il se retourne impulsivement. C'est une réaction non maitrisée, mal jugée qui traduit un manque de maturité. Pour citer un autre exemple : quelqu'un cri « au voleur » et tout le monde se précipite sur la personne pour l'agresser. C'est une réaction de foule impulsive.

 Lorsque le corps est agité de mouvements involontaires, c'est aussi une absence de contrôle des réactions.

 

Si nous ne contrôlons pas nos actions, cela impacte notre vie sociale.

Ce contrôle de soi avec l'extérieur est l'une des richesses que nous devrions développer.

 

Uparatiḥ : le pouvoir de retirer le mental d'un sujet.

 

C'est la capacité de retirer notre esprit d'un sujet à volonté, qu'il soit agréable ou désagréable. 

 

Il arrive souvent que notre esprit soit occupé par quelque chose et qu'on ne sache pas comment arrêter d'y penser. Nous ne parvenons pas à libérer notre mental du sujet pour le diriger vers autre chose. Si nous ne parvenons pas à canaliser notre esprit sur un sujet spécifique c'est parce qu'il est attaché à d'autres idées.

Nous avons cette capacité de commander notre esprit et nous devrions la développer.

Si nous ne l'avons pas, cela nous rend moins efficaces et nous disposons de moins de temps pour effectuer les tâches nécessaires.

 

Certains étudiants sont excellents pour réussir les examens et d'autres n'y parviennent pas.  Ce n'est pas qu'ils manquent d'intelligence, mais ils ne parviennent pas à détourner leur esprit des dispersions pour le rediriger vers le sujet de l'étude. Leur esprit est occupé par des jeux, des films qu'ils aiment, d'autres sujets attrayants, ou encore par des difficultés externes.

 

Les addictions, quelles qu'elles soient, se développent lorsque cette capacité à retirer l'esprit d'un sujet n'est pas là. On sait qu'on ne doit pas faire quelque chose et pourtant on continue à le faire. Nous sommes attachés à faire une action qui n'est pas nécessaire, voire toxique, parce que nous n'avons pas développé cette capacité qui permettrait de nous en abstenir. Attention, ce peut être camouflé, nous pouvons nous trouver de très bonnes excuses pour continuer à faire quelque chose qu'on ne devrait pas.

 

En méditation, uparatiḥ est la capacité à réorienter le mental sur l'objet de contemplation.

 

Avoir cette capacité de retirer l'esprit d'un sujet pour l'orienter sur un autre à volonté est une autre des grandes richesses qui doit être développer pour le vedānta.

 

Titikṣā : la stabilité intérieure

 

Il s'agit de garder l'esprit stable quelles que soient les circonstances. C'est aussi la capacité à supporter, à endurer. On ne change pas, on ne réagit pas. Les critiques, comme les honneurs ou les blâmes ne nous perturbent pas. De mêmes, les émotions fortes (joie, tristesse...) demeurent modérées. On reste calme, concentré, recueilli.

 

Si nous sommes troublés par ce que quelqu'un aura dit, c'est que nous n'avons pas développé cette capacité.

 

Notre équilibre intérieur est rompu dès que l'on cède à la colère ou à une quelconque perturbation émotionnelle. On peut très bien avoir l'air de ne pas réagir lorsque quelqu'un nous énerve mais bouillir intérieurement. Il s'agit de ne pas se laisser influencer par ce que disent les autres, que ce soit désagréable ou agréable, y compris intérieurement.

 

Sur un autre registre, lorsque nous devons supporter un froid persistant ou une chaleur intense mais que nous ruminons notre mécontentement intérieurement, nous perdons là aussi la stabilité mentale.

 

Notre vie est remplie d'opposés : le bien et le mal, quelqu'un va nous féliciter, un autre nous attaque, quelqu'un nous adore, un autre nous déteste. On ne peut pas forcer une personne à nous aimer.

Si nous sommes perturbés par ces opposés, ces polarités toujours présentes, nous perdons notre balance intérieure. Garder cet équilibre quel que soit ce qui vient le perturber est une des grandes qualités que nous devons acquérir pour supporter les différences et parvenir à rester calme même dans les situations difficiles.

Tant que nous perdons facilement notre équilibre intérieur, nous n'avons pas encore développé cette capacité à supporter les évènements.

Il arrive aussi parfois qu’il n'y ait pas de solution. Cela arrive dans nos vies. Nous devons aussi l'accepter.

 


Il existe toute une palette de fréquences de la lumière ou du son, dont certaines très basses ou très hautes ne sont pas perçues. De la même façon, il y a toutes sortes de types d'indifférences. C'est subtil.

Le petit enfant peut réagir de la même façon face à de l'or et de l'acier, l'adulte peut avoir des réactions très différentes. Certaines personnes paieraient des milliards pour passer quelques minutes dans l'espace alors que d'autres n'en verront pas l'intérêt. Par contre si on leur propose de mettre la même somme sur leur compte en banque, il n'y aura plus d'indifférence !

Quelqu'un qui possède réellement titīkṣā pourra tout accepter sans être perturbé, même la mort. Cette pratique est très difficile à acquérir.

 


Samādhānaṁ
 : la concentration, le pouvoir de focalisation

 

Samādhānaṁ désigne la possibilité de concentrer le mental sur un seul objet, exclusivement, et de pouvoir y rester.

Il s'agit de mettre toutes nos capacités mentales sur ce qui est nécessaires pour accomplir ce que nous voulons, et uniquement sur ce sujet. On écarte tout ce qui n'est pas nécessaire pour n'avoir que ce qui peut servir ce que l'on doit faire.

C'est aussi une grande qualité. Si nous n'avons pas cette capacité de nous concentrer, de diriger notre mental, il est difficile d'atteindre un objectif.

 

Ces six richesses ne sont pas seulement importantes pour obtenir la vérité du vedānta, c'est aussi très utile pour notre vie quotidienne comme dans tous les métiers.

On peut se faire une idée du niveau de concentration nécessaire pour réaliser la vérité spirituelle.

 

Voici une petite histoire. De jeunes moines épluchaient des pommes de terre. Swami Bhramananda pris les pommes de terre, trouva la mieux épluchée et dit que celui qui avait fait cela était celui qui avait fait la meilleure méditation car son esprit était resté concentré.

Le moine en question devint par la suite Président de la Ramakrishna Mission.

 

Question : Est-ce dharana ?

Dharana : c'est quand on est concentré sur l'objet de contemplation.

Dhyana : se produit lorsque la concentration est prolongée.

 

Śraddhā : respect + obéissance + foi + confiance dans l'enseignement.

 

Swami Vivekananda disait qu'il était très difficile de traduire ce mot par un seul mot dans une autre langue. Dans le dictionnaire, on trouve comme traduction « respect », mais c'est une tout petite partie de śraddhā. Śraddhā couvre un large spectre de notions. Il inclut aussi la docilité, l'obéissance, la foi, la vénération, le respect pour ceux qui nous ont précédé, pour les Écritures, aussi le respect pour soi-même, servir l'enseignement, protéger les écritures, appliquer ce qu'on apprend et le pratiquer constamment.

 

Par exemple, on peut dire que les écritures ont du sens. Mais si nous n'avons pas śraddhā, le respect des textes sacrés, nous ne les étudierons avec l'intensité suffisante pour appliquer les enseignements qu'elles contiennent.

 

Avons-nous vraiment foi en Dieu ?

Ramakrishna racontait une histoire : imaginons un voleur qui veut cambrioler une maison parce qu'il a entendu dire qu'il y avait un trésor dans l'une des pièces. Dès qu'il l'aperçoit, que se passe-t-il dans son esprit ? Il est surexcité, impatient. Il ne peut plus être en paix tant qu'il n'a pas atteint son but parce qu'il sait qu'il y a là un trésor.  Il pense qu'il doit trouver au plus vite un moyen pour le trouver. Il sait qu'il est là, il en est certain.

Si on croit réellement que Dieu existe, on fera tout pour le trouver. Essayons-nous réellement et ardemment de l'atteindre ?

 

Si je pense que j'essaie vraiment de trouver Dieu, suis-je totalement sincère ? Si nous avons vraiment la conviction de l'existence de Dieu, alors nous cherchons de plus en plus intensément à l'atteindre, nous mettons toute notre énergie dans cette quête.

 

Mais le plus souvent, ces vérités demeurent dans les livres ou dans les enseignements des maitres sans être mises en pratique. Nous allons à l'église ou faisons quelques prières et rituels, ou d'autres choses. C'est bien, mais ce n'est pas la finalité. Ce sont des moyens d'atteindre le divin, mais tant que notre conscience ne cherche pas à réaliser le divin de toutes les manières possibles, ce n'est pas śraddha. Si nous sommes véritablement convaincus, nous allons essayer de suivre tous les moyens possibles d'y accéder.

 

Tout devrait être valorisé avec ce respect. Il y a un exemple de la vie de Sarada Devi. Quelqu'un qui balayait sa chambre jeta ensuite le balai dans un coin. Sarada Devi lui dit qu'il devrait avoir śraddhā pour ce balai aussi. Śraddhā n'est pas seulement pour ce qui est spirituel, le maitre ou Dieu, c'est aussi pour toutes les créatures, tous les objets de la création. Nous devons accorder de la valeur et du respect à ce qui nous entoure, que nous l'utilisions juste une fois ou tous les jours.

 

Lorsque les écritures disent que nous devons avoir śraddhā, cela couvre beaucoup d'aspects. De la plus haute à la plus petite chose, nous devons avoir ce respect, cet amour, cette douceur pour tout.

 

Pour suivre ce que dit le maître, nous devons avoir śraddhā pour le guru. Nous connaissons mieux les maths ou d'autres sujets que lui, mais pour la vie spirituelle, il est nécessaire d'avoir un réel respect pour l'enseignant et nous serons alors prêt à suivre les instructions.

 

Nous devons donc nous entraîner, de façon répétée, pour développer ces six qualités et enrichir nos vies de ces joyaux. Tout ceci nous aide pour avancer dans la vie spirituelle.

Le vedānta commence ainsi. Nous devons suivre les étapes et avancer. Commencer ce processus pour acquérir ces six joyaux.

Mukti : la libération

 

 

Le vedānta parle d'atteindre mukti, la libération.

Il y a plusieurs façons de considérer mukti.

 

Tout au long de notre vie, depuis l'enfance, nous tentons d'être libres dans notre quotidien.

 

S'il ne nous est pas possible de porter un sac de cinquante kilos, nous pouvons souhaiter dépasser cette limite de notre corps et essayer de développer nos muscles. Nous irons à la salle de sport pour avoir une bonne condition physique et au bout de quelques temps, nous pourrons y parvenir.

Zidane est l'idole de beaucoup de jeunes qui essaient de dépasser leurs capacités pour devenir comme lui de meilleurs footballeurs.

On retrouve cette recherche dans beaucoup de domaines : nous pouvons essayer d'être un bon chanteur, un bon scientifique. Au travail, nous aimerions être meilleur, avoir plus de connaissances. Nous essayons de multiples façons de repousser nos limites.

Nous ressentons que nous sommes limités dans nos vies, qu'il s'agisse de nos capacités de réflexions ou de nos capacités physiques, et dans notre quotidien nous savons que nous avons bien davantage de limitations encore et nous essayons de les dépasser. Nous tentons d'avoir toujours davantage de liberté, d'étirer nos limites pour aller au-delà.

 

Dans la nature, un petit ruisseau prend sa source dans la montagne puis devient une rivière, puis un fleuve, qui lui-même fini par se jeter dans l'océan. Nous ressentons régulièrement ce besoin de repousser nos limites. Nous pouvons vivre différentes transformations au cours de notre existence.

 

Dans la vie spirituelle aussi nous nous trouvons très limités. Depuis des siècles, les maitres parlent de Dieu et de la libération. Ils disent qu'ils se sont libérés, que nous le pouvons aussi et à quel point c'est beau. Alors nous essayons dans nos vies de réaliser Dieu (avec ou sans nom ou forme), et nous pouvons nous rendre compte à quel point c'est difficile. Nous comprenons nos limitations que nous croyons ou non en Dieu. Dans les textes, il y a plusieurs façons de décrire cette notion de mukti.

 

Dans l'Inde ancienne, il y avait un groupe de personnes qui avait un mode de vie très mondain, sans aucune foi en Dieu ou dans une vie spirituelle mais ils utilisaient le mot mukti qui signifiait pour eux simplement la mort du corps physique et une forme de libération. Cela montre qu'ils avaient conscience d'une forme de limitation. Même sans foi, nous comprenons que nous sommes limités.

 

Dans le vedānta , il y a différentes idées sur la libération.

Pour certains, notre expérience est fondée sur le plaisir ou la peine, les joies ou les tristesses, et nous voulons tous avoir du plaisir. Personne ne dira qu'il aime souffrir mais pourtant la souffrance est inévitable. Elle se présente dans nos vies, bien qu'on aimerait l'éviter.

 

Certains disent que la libération est la fin de la souffrance, que lorsqu'il n'y a plus de souffrance, plus de douleur, cela signifie que nous sommes libres. Nous pouvons expérimenter la liberté de cette manière. C'est l'angle de la cessation de la souffrance.

D'autres disent la même chose d'un autre point de vue. Ils parlent d'une joie continue. Ils ne parlent pas de l'annihilation de la souffrance mais d'une expérience de joie continuelle.

 

D'autres encore disent que tant que nous sommes dans ce complexe corps-esprit nous devons supporter cette structure, nous ne pouvons l'éviter, mais nous pouvons élever notre esprit pour expérimenter cet état de joie, de félicité pendant notre vie. En sanskrit, il y a un beau mot pour décrire cela : jīvan-mukta, être vivant mais libéré. Ce n'est pas au moment de la mort que nous sommes libérés, nous pouvons vivre dans ce complexe corps-esprit et vivre cette joie intense.

La libération apporte de grands changements.

 

Ramakrishna souffrait beaucoup sur la fin de sa vie. Il avait un cancer de la gorge et il était difficile pour ses dévots de le voir dans cet état. Il demanda un jour à l'un d'entre eux pourquoi il restait là, en lui montrant son corps abimé. Le jeune homme lui répondit « vous souffrez beaucoup mais vous semblez être joyeux ». Ramakrishna lui répondit « C’est cela. Vous avez bien raison ».

 

Swami Turiyananda avait des tumeurs partout sur le corps et le Docteur avait dû l'opérer à plusieurs reprises. Un jour qu'il intervint sans le prévenir, Turiyananda hurla et lui dit « Mais pourquoi ne m'avez-vous pas prévenu ? ». « J'ai fait ça tellement de fois sans problème ! ». « Alors, recommencez ». Et il n'y eu pas de problème.  « Si vous me prévenez, je peux retirer mon esprit de cette partie du corps. »

Il n'y avait pas d'anesthésie à l'époque. Il y a des choses parfois très difficiles dans la vie.

 

Les textes ne parlent pas de faits qui appartiennent au passé, cela nous concerne tout autant aujourd'hui. Nous avons la possibilité d'accorder notre mental et de pouvoir le retirer à volonté.

 

Si l'on parvient à développer ces six joyaux dans notre vie, cela nous éclairera tant pour notre quotidien que pour notre vie spirituelle.

 

 

 

 

                                                                                                                                                          Vedānta 225

                                                                                                                                                                                                                         

 


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