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Katha upanishad : le troisième voeu de Nachiketa


D’après la conférence de Swami Atmarupananda

7 mai 2022

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Shanti mantra, mantra pour la paix, débutant la Katha Upanishad

auṁ saha nāvavatu, sahanau bhunaktu,

saha vīryam karavāvahai,
tejasvi nav adhītam astu: mā vidviṣāvahai;

 auṁ śāntih, śāntih, śāntih ॥

Om, Puisse-t-il nous protéger tous les deux. Puisse-t-il nous nourrir tous les deux. Puissions-nous travailler ensemble avec énergie. Que l'étude soit brillante pour nous deux. Qu’il n’y ait pas de mésentente entre nous.

Om , Paix, Paix, Paix

 

La Katha Upanishad était l’upanishad préférée de Swami Vivekananda. On l’appelle « Shanti mantra », pas dans le sens où c’est un mantra, mais parce qu’elle est écrite en poésie, en versets métriques. Sa préférence venait de sa beauté poétique, de la beauté de l'histoire du garçon Nachiketa qui représente l’idéal d’un aspirant spirituel, mais également parce que la vérité y est clairement exprimée.

Certaines upanishads plus anciennes avaient beaucoup de symboles védiques assez difficiles à comprendre et contenaient plus de symbolismes de rituels védiques. Celle-ci aussi, au début, comprend des rituels védiques puisque dans son second vœu Nikchiketa a demandé qu’on lui apprenne le rituel pour aller au ciel. Mais dans son troisième vœu, il va au-delà de tout ritualisme et tout le reste de l’upanishad est une très claire expression de la vérité.

Reprenons le contexte de l’upanishad, car l’histoire est importante pour comprendre ce que représente Nachiketa et le sens de son troisième vœu.

 

Le rituel

Dans le premier verset, il y avait un homme appelé Vājashravas, qui allait procéder à un rituel au cours duquel il devait sacrifier toutes ses possessions. Cet homme avait un fils appelé Nachiketa. Le rituel qu’il s’apprêtait à réaliser faisait partie des nombreux rituels des temps védiques. A cette époque, chacun pratiquait des rituels fondamentaux quotidiennement, des rituels très simples, comme offrir des fleurs sur l’autel à la maison, allumer une bougie, prier, etc.

Dans les temps védiques, chaque maison avait un feu qui représentait Agni, le dieu du feu. Les offrandes faites dans ce feu étaient amenées par Agni lui-même aux différentes déités. Ainsi le feu était considéré comme la bouche de tous les dieux.

Historiquement le « contrôle du feu » a probablement marqué le début de la civilisation humaine. Ainsi, dans plusieurs cultures anciennes, le feu était sacré. De nos jours, nous maintenons toujours une relation particulière avec le feu, parce que nous éprouvons une connexion ancienne avec le lui. Quand nous nous asseyons devant un feu de camp, ou devant une cheminée à la maison, nous sentons cette connexion. Simplement fixer un feu de camp la nuit, peut nous amener dans un état méditatif. Souvenons-nous que notre relation avec le feu est très ancienne et que dans les temps védiques le feu était vu non seulement comme quelque chose de beau à regarder, mais aussi comme une déité. C’est pourquoi en Inde, encore aujourd’hui, on ne souffle pas sur la flamme d’une bougie, car cela serait comme souffler sur le visage d’une déité.

Revenons à l’histoire : le père de Nachiketa faisait un très grand sacrifice qui lui promettait une vie céleste dans l’au-delà. En ces temps védiques on croyait que l’on pouvait atteindre ce que l’on voulait grâce au sacrifice proprement pratiqué. Cette croyance était présente dans plusieurs civilisations traditionnelles, et encore aujourd’hui les amérindiens Hopis, aux États-Unis, croient que leurs cérémonies sont nécessaires pour assurer le fonctionnement normal du cosmos. C’était donc la même idée, dans les temps védiques, que les rituels proprement réalisés feraient en sorte que le soleil se lève, que la lune apparaisse, que les plantations poussent, que la pluie tombe, enfin que le cycle cosmique se réalise de la meilleure façon possible.

 

Shraddha, la foi

Vājashravas, le père de Nachiketa était sur le point de faire le sacrifice de toutes ses richesses. Le second verset indique que ce fils était juste un jeune garçon. Tout en regardant les objets que son père offrait en sacrifice, ce jeune garçon fut pénétré par la foi. Généralement nous pensons – que ce soit dans le christianisme, l’hindouisme, ou dans d’autres religions – qu’avoir la foi signifie avoir foi en Dieu. Ici nous ne faisons pas référence à la foi en dieu, mais nous parlons de la foi que Swami Vivekananda voulait que chacun de nous ait. La foi en Dieu est bonne certes, mais avant cela nous avons besoin d’une autre forme de foi, celle racontée dans la présente histoire, parce que sans elle aucune autre foi ne peut être efficace.

Regardons les preuves de cette foi et avançons pour voir de quoi il s’agit. Donc il est dit qu’à mesure que Nachiketa voyait les biens offerts en sacrifice, la foi l’a pénétré et il a commencé à penser. Et alors il s’est dit : « Ces vaches ont déjà bu toute l’eau qu’elles devaient boire, ont déjà mangé toute l’herbe qu’elles devaient manger, le lait qu’elles auraient dû produire est tari et tous leurs sens sont en déclin », pensant ainsi que les vaches que son père offrait étaient inutiles. Nachiketa se dit « Celui qui fait de telles offrandes, trichant ainsi avec les dieux,  n’ira pas dans un lieu plein de félicité après sa mort, mais plutôt dans un monde où il n’y aura plus de joie. »

Ainsi, nous voyons ce que veut dire « la foi est entré en lui ». Quand il a réalisé que tous ces cadeaux étaient inutiles il s’est dit « Cela n’est pas correct. » Il a vu qu’il y a des choses qui peuvent être faites, et d’autres qui ne peuvent pas être faites ; des choses qui sont vraies, d’autres qui sont fausses ; des comportements qui sont corrects, d’autres qui sont hypocrites. Et c’est dans ce sens que la foi l’a pénétré : il a vu que son père trichait non seulement avec les dieux, mais aussi avec tout son entourage qui participait au rituel.

Alors il demanda à son père « À qui vas-tu me donner ? Puisque tu dois offrir toutes tes richesses et que tu as donné toutes ces choses inutiles, à qui m’offriras-tu, moi qui suis ton fils et qui fais aussi partie de tes richesses ? » Son père ne répondant pas, Nachiketa lui posa la question à trois reprises. A bout de patience, son père répondit « Je te donnerai à la mort ». Ce que le père voulait dire par cette expression serait l’équivalent de l’expression « Va au diable ! » en français. Le père ne souhaitait pas vraiment la mort de son fils, parce que ce n’était pas un homme complètement mauvais, c’était juste un hypocrite. Il voulait simplement dire « Va-t’en, tu es impudent avec ton père, je ne veux plus t’entendre. Va-t’en ! »

Nachiketa se dit alors : « Parmi plusieurs personnes je viens en premier et parmi beaucoup d’autres je viens au milieu », « parmi certains j’excelle, et pami d’autres je suis médiocre ». Il savait qu’il n’était pas sans aucune valeur ; il savait qu’il valait quelque chose. Cela fait aussi partie de la foi qui l’a pénétré, c’est aussi la foi que Swami Vivekananda voulait que l’on ait : le sens de dignité individuelle, le sens de « j’ai des valeurs dans mon être ». L’humilité est souvent considérée comme une des vertus fondamentales de la vie spirituelle, mais Swami Vivekananda disait « Je n’enseigne pas l’humilité ». Cependant les gens qui le connaissaient savaient qu’il était très humble. Swami Vivekananda considérait que l’humilité était très souvent mal comprise. On pense être humble en disant « Je ne suis pas bien, je n’ai auc

une valeur », « Je vaux moins que rien ». Cela n’est pas de l’humilité mais c’est rempli du sens de « Je », c’est toujours autour du « moi. »  Et cette image négative de soi nous affaiblit. L’humilité véritable, dans le sens de Swami Vivekananda, veut dire un réel désintéressement, une transparence totale de soi, un sens de sa valeur personnelle et la capacité de voir la même valeur chez les autres. Donc, Swami Vivekananda disait, « Je n’enseigne pas l’humilité, je vous apprends la perspicacité, je vous apprends à voir la même valeur en vous que chez les autres. » L’égoïsme c’est, je suis bien, vous n’êtes pas bien. Une véritable attitude spirituelle consiste à voir le divin en soi et en chaque être.

Dans le sixième verset, Nachiketa dit à son père « Regarde autour de toi comment sont les choses ; elles viennent et elles partent. Regarde comment les anciens sages pouvaient se tenir à la vérité. Oh mon père, tu pen

ses que tu peux offrir des choses sans utilité et garder pour toi seulement les bonnes choses, c'est à dire tes bonnes vaches et tes bonnes possessions, pensant qu’elles te seront encore utiles. Mais toutes ces choses sont éphémères, elles viennent et elles partent, et la mort te prendra toutes ces possessions auxquelles tu tiens. Donc, sachant que tout dans ce monde est éphémère, que tout disparaîtra, fais la bonne chose. »

La foi qui entre dans Nachiketa démontre qu’il a aussi compris l’essence de la vie et sa nature éphémère. Ici il n’est pas question de la foi en dieu mais de la foi en soi-même, du désir de faire le bien et de comprendre la nature de l’univers, de voir comment la nature est éphémère.


Les vœux de Nachiketa

Nachiketa est donc allé à la maison de la mort. L’histoire ne dit pas comment il y est arrivé, ni comment il est mort, et on ne dit pas non plus que le père souhaitait la mort de son fils. On dit simplement que le fils a réalisé la parole de son père qui était « Va donc au diable ! » Puisque son père l’a dit, il doit aller à la maison de la mort ! A son arrivée, Yama le dieu de la mort n'était pas là, mais sa femme était présente. Lorsque Yama est revenu chez lui, sa femme lui a dit « Regarde, un honorable invité t’attend ici depuis trois jours. »

Cela n’est pas dit dans le texte, mais il faut savoir qu’en ces temps védiques, un invité honorable qui rentrait dans votre maison était considéré comme un feu et que si vous ne le traitiez pas correctement il pouvait brûler votre maison. Yama dit donc à Nachiketa, « Tu as passé trois jours et trois nuits ici à m’attendre, et en l'honneur de ces trois jours passés dans ma maison je te donne la possibilité de faire trois vœux. » Le premier vœu de Nachiketa a été « Que mon père me reconnaisse quand je reviendrai de la mort et qu’il soit heureux de me revoir. » Ce n’est pas non plus mentionné dans l’upanishad, mais on voit ici combien Nachiketa était intelligent, parce qu'en un seul vœu il a, en réalité, fait deux vœux. En disant « Quand je reviendrai, que mon père soit content », cela veut dire qu’implicitement il demande à revenir de la mort et aussi que son père soit content.

Pour le deuxième vœux, Nachiketa demande à être instruit d’un certain rituel védique qui permet d’accéder au ciel après la mort. Ce passage précis de l’upanishad est beaucoup plus ancien que la Katha Upanishad. Cette histoire avait déjà été citée deux fois dans les premières upanishads, longtemps avant qu’elles ne soient écrites. Dans la Kata Upanishad, on a ajouté le troisième vœu à cette ancienne histoire ; originellement il n’y avait que deux vœux. Yama est alors tellement satisfait des deux premiers vœux qu’avait fait Nachiteka qu’il lui dit « Ce rituel du feu que je vais te transmettre, je le nommerai d’après toi, il s’appellera ‘Le feu Nachiketa’ ».

Dans le Verset 20, Nachiketa fait son troisième vœu « Quand un homme meurt, vient ce doute : les uns disent « il est », les autres « il n’est plus » ; je voudrais le savoir, instruit par toi ».  Yama indique que ce doute sur la disparition ou la continuité après la mort existe depuis toujours, que c’est une question éternelle car tant qu’il y aura des êtres vivants, cette question perdurera.

A ce troisième vœu, la mort lui a répondu : « Ne me demande pas cela, c’est une question très difficile à comprendre, et même les dieux dans les anciens temps avaient des doutes sur ce qui se passe après la mort. Ne me demande pas cela !  Choisis un autre vœu !  Libère moi de cette obligation ! » Dans le verset 22, Nachiketa répète qu’il a bien compris ce que Yama lui a expliqué, mais il insiste en lui disant qu’il n’y a pas de meilleur enseignant que lui Yama, pour lui expliquer ce qui se passe après la mort. Il n’y a pas d’autre vœu qu’il pourrait faire alors qu’il se trouve en face du dieu de la mort lui-même.

Dans cette histoire et aussi dans d’autres upanishads plus anciennes, on met en avant la fraîcheur d’esprit et de perception, comme un enfant qui verrait tout pour la première fois.  Quand l’esprit est frais, tout semble nouveau. On voit ici l’innocence de l’enfance, mais avec la sagesse d’un esprit très évolué et méditatif.

Pourquoi cette question est-elle si importante pour Nachiketa ? La plupart d’entre nous ne se préoccupe pas de cette question. Nous vieillissons en nous disant que nous verrons cela le moment venu. Pour beaucoup, penser à la mort est morbide. Nous sommes ici pour vivre ! Et là, Nachiketa, juste un petit garçon, s’informe de ce qui se passe après la mort. Encore une fois, c’est parce que la foi est entrée en lui ! Il a déjà conscience que la vie est courte, et que tous, nous arrivons à ce point final qu’est la mort. Nous pouvons penser que la vie est longue, mais quand nous arrivons à un certain âge, nous nous disons « Mon dieu, qu’est-ce qui s’est passé ? La vie est passée en un éclair ».

Au verset 23, Yama suggère à Nakicheta, en remplacement de son troisième vœu, de choisir la longévité pour ses fils et ses petits-fils, de posséder des chevaux, des éléphants, de l’or, un très grand domaine, et de vivre aussi longtemps qu’il le voudra. Il lui dit « Demande d’autres vœux, une bonne santé, une richesse, Oh Nachiketa sois le roi d’un grand empire, et je te donnerai tout ce que tu veux. Même ce qui ne peut pas être obtenu par les autres êtres humains, demande-le-moi, je te l’accorderai, tout cela pour te servir, mais ne me demande pas encore quoi que ce soit sur la mort. » Et Nachiketa lui répond « Tout ce que tu m’offres, toutes ces choses que tu me proposes O Yama, ne durent que peu de temps, elles sont éphémères, et toutes ces choses agréables ne sont là que pour satisfaire les sens. »

Souvenons-nous comment quand nous étions enfants, toutes nos expériences étaient intenses. Quand j’étais tout petit, vers l’âge de 4 ans, j’ai dit à mon père que je voulais goûter le café qu’il était en train de boire. J’avais ma boisson du petit déjeuner, il a mis une toute petite cuillère de café dans ma grande tasse de lait et ça été le meilleur café que j’ai eu de toute ma vie ! Le goût était si fort ! Juste une petite cuillère dans une grande tasse ; il n’y avait même pas assez de café pour colorer le lait, mais j’ai encore le souvenir du goût ! Et maintenant j’ai besoin d’un café français pour retrouver le goût ! Donc, tous ces désirs ne concernent que les sens et ils sont éphémères.

Nachiketa répondit : « la vie des sens est très courte, garde tes chevaux et tes chansons pour toi Yama ! » Enfant j’attendais avec impatience les congés scolaires. Dans ce temps nous avions trois mois de congés pendant l’été. Mais quand le jour des vacances arrivait, je me disais « Oh, dans trois mois je devrai retourner à l’école. » Et quand septembre arrivait à nouveau, c’était comme si nous n’avions même pas eu de congés. De même, quand la mort arrive à nous, peu importe combien de temps nous avons vécu, c’est fini. Ainsi, peu importe la longueur de notre vie, nous trouvons qu’elle est courte. Il y a à la fin de ce verset une expression connue de Nachiketa qui dit : « Garde pour toi tous ces carrosses, toutes ces musiques et ces chansons, Yama, garde-les pour toi, je ne les veux pas. »

Nous comprenons que la foi est entrée dans Nachiketa parce qu’il a soudainement réalisé la nature transitoire de la vie et qu’il voulait savoir ce qui se passait après la mort. Il avait la foi qu’il y avait quelque chose derrière tout cela : « Tout ce qui est ici change, disparaît, mais il doit y avoir quelque chose qui reste, je veux découvrir ce que c’est. »

Tout le reste de la Katha Upanishad est l’enseignement fait à Nachiketa de, non seulement ce qu’il y a après la mort, mais aussi de la réalité même ici et maintenant.

 

 


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