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Qu'est-ce que le dharma ?


D’après la conférence de Swami Atmarupananda

13 juillet 2022 à l’institut de recherche et de pratique de yoga védique

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Nous qui cherchons la libération, nous nous réfugions dans cette lumière infinie. Cette lumière infinie qui illumine le cœur de tous, qui est la source du créateur lui-même, qui est le dépositaire
de la connaissance infinie, connue sous le nom de veda.

 

Om Shantih, Shantih, Shantih, Hari Om Tat Sat

 

 

Mon sujet pour ce soir est le dharma et le svadharma. C'est un sujet important, un sujet extrêmement important, mais que nous négligeons souvent lorsque nous parlons de spiritualité parce que nous sommes plus intéressés par la libération et la félicité, mais le dharma est le fondement de la vie.

 

Le dharma, l’ordre moral de l’univers

Comme le mot religion en français ou en anglais vient du latin religare, qui signifie « lier ensemble », dharma signifie pareillement « ce qui soutient tout » et aussi « ce qui est l'essence de tout ». En réalité, le dharma a plusieurs significations différentes : dans le bouddhisme, il signifie la religion, les enseignements du Bouddha. Il peut également signifier la caractéristique naturelle de toute chose, comme le dharma de l'eau est la liquidité. Mais ce soir, nous parlons du dharma dans un sens plus large et plus philosophique. Dans ce sens, le dharma est l'ordre moral de l'univers.

En Occident, en raison de nos antécédents religieux, nous pensons que la moralité provient des dictats de Dieu. Dieu a donné à Moïse les dix commandements et diverses autres règles d'observance dans la bible. La moralité est donc considérée dans les traditions religieuses occidentales – les traditions abrahamiques – comme provenant du type de comportements que Dieu aime. Ainsi, être moral, c'est faire ce que Dieu veut que nous fassions. De nos jours, de nombreuses personnes ne croient pas en Dieu et cherchent donc une autre base pour la moralité. En général, ces personnes se dirigent vers le bien-être de tous, juste parce que c'est bien d'aider les autres. Donc, d'une part, en Occident, nous avons l'idée que la moralité est ce que Dieu aime et n'aime pas, et d'autre part, l’idée que c'est juste bien d'être une bonne personne.

Mais la moralité dans le Vedanta est basée sur l'idée du dharma qui est un principe, et non sur ce que Dieu aime ou n'aime pas. C'est pourquoi Swami Vivekananda a dit que le Vedanta ne croit pas au péché. Ainsi, dans le Vedanta, l'univers est construit selon certains principes : par exemple, il existe un principe de gravité, ce n'est pas une question de croyance, c'est une question d'observation, c'est un fait. Tout comme la gravité n'est pas une question de foi mais une question d'observation, dans le Vedanta, la moralité est une question de réalisation de la nature de l'univers, une expérience.

Mais dans le Vedanta il y a tout de même l'idée d'une bonne et d'une mauvaise moralité donc, qu'est-ce que Swami Vivekananda veut dire quand il dit  que le Vedanta ne croit pas au péché ? C'est qu'en Occident le péché peut être vu comme une faute commise envers Dieu : vous faites quelque chose de mal, vous offensez Dieu. C'est pourquoi, dans la superstition commune, les gens pensent que s'ils font quelque chose d'immoral, la foudre va venir les frapper. Le Vedanta ne croit pas cela : il croit que la moralité se trouve dans la manière même dont l'univers est structuré – tout comme la gravité et l'électromagnétisme – et que si nous faisons quelque chose de mal, l'univers nous le renvoie par la loi du karma. Ainsi, Dieu n'est pas dans l'équation, Dieu n'est pas assis là à regarder si nous faisons quelque chose de mal et à lancer ensuite des éclairs. Au contraire, l'univers est structuré de telle sorte que si nous faisons du mal à quelqu'un d'autre, cela nous reviendra par ricochet. C'est très important pour plusieurs raisons, mais l'une d'entre elles est que dans le Vedanta, Dieu n'est pas posé comme un juge cherchant à évaluer ce que nous faisons. Dieu est l'amour lui-même, Dieu est tout acceptation, tout aimant, toujours présent, toujours prêt à nous recevoir. Mais nous devons répondre de nos actions car l'univers nous les renvoie.

Quel est le fondement de cette idée de dharma ? L'idée est qu'il existe une seule réalité qui s'exprime sous la forme de cet univers varié, mais que l'unité est toujours la réalité. Nous nous voyons comme différents, et nous nous voyons séparés, mais ce n'est pas vrai en réalité, il y a une seule réalité dont nous sommes l'expression, la même réalité. Ainsi, le dharma fonctionne grâce à l'unité sous-jacente de l'univers. Lorsque nous faisons quelque chose de mal, nous brisons – ou du moins nous offensons –  l'unité naturelle de l'univers. Et c'est ce qui fait que le karma fonctionne. Pourquoi, lorsque nous faisons de bonnes ou de mauvaises actions, le karma nous revient-il ? C'est à cause de cette unité.

À nouveau le dharma signifie qu'il existe une structure morale dans l'univers, mais cela ne signifie pas que l'idée de dharma soutient nécessairement toutes les idées sociales sur ce qui est bien ou mal. Les idées sociales de la moralité changent de temps en temps, et c'est une bonne chose car les besoins de la société évoluent au fil du temps. Par exemple, si une tradition pense que l'homosexualité est un péché, c'est une idée sociale, une construction sociale, ce n'est pas dans la nature de l'univers. Un autre exemple de construction sociale : autrefois selon le système patriarcal, une bonne épouse était celle qui restait à la maison, qui ne sortait pas dans la société pour faire des choses créatives. Donc, quand nous disons qu'il y a une structure morale à l'univers, ce que nous voulons dire c'est que la vraie moralité est dans la structure de l'univers et non dans les idées sociales de la moralité. Voilà ce qu'est le dharma : c'est la structure morale de l'univers basée sur l'unité de la réalité de l'univers.

 

Le svadharma, votre place naturelle dans la vie

Maintenant, j'en viens au svadharma. Pour comprendre ce concept, nous devons réunir deux  définitions du dharma : j’ai déjà parlé plus haut de la première, la structure modèle de l'univers ; l'autre définition, c’est la nature essentielle de toute chose. Comme je l'ai dit, l'essence de l'eau est la liquidité. Svadharma signifie son propre dharma. Donc, cela signifie votre place naturelle dans la vie. Beaucoup, de gens particulièrement dans le monde moderne, se demandent pourquoi ils sont nés, et ce qu’ils doivent faire de leur vie. Ces questions sont la conséquence d'une certaine liberté que la vie moderne nous a apportée. Avant de dire de quelle liberté il s'agit, je tiens à dire que c'est une bonne liberté, mais une liberté avec laquelle nous n'avons pas encore appris à vivre. Il s'agit de la liberté d'être ce que vous voulez être.

Dans les temps passés, les enfants avaient tendance à reprendre le rôle social de leur parents. La société déterminait dès la naissance ce qu’ils allaient devenir. Pour être un prince ou une princesse, il fallait naître fils ou fille d'un roi. Même quand parfois il y avait un peu de liberté, l'enfant d'un charpentier pouvait choisir de devenir plombier, mais il restait dans la même catégorie de travail. Jusqu'à récemment, les femmes avaient deux choix : être une épouse ou être une nonne. Aujourd'hui, la société a permis une grande libération de ces contraintes, mais le problème est que la plupart des gens n'ont aucune idée de ce qu'ils veulent être. Vous pouvez faire n'importe quoi. Alors, que faites-vous ? Maintenant, la responsabilité vous incombe, c'est à vous de déterminer ce que vous êtes capables de faire et ce que vous voulez faire. Dans le système de castes indien, on vous disait ce que vous alliez devenir et quelles étaient les attentes concernant votre position dans la vie. Dans la Gita, Krishna parle de svadharma ; il en parle dans ce contexte, et il dit à Arjuna «  Tu es un kshatriya, un guerrier, ton devoir est de te battre. » C'était le devoir d'Arjuna, c'était ce pour quoi il avait été entraîné, ce pour quoi il était né, faire cela était son svadharma. Et faire cela était moral, ne pas le faire était un manquement à la moralité. Maintenant nous avons, en tant que société – ici je ne veux pas dire en tant qu'individus, mais en tant que société dans le collectif  –  nous avons deux choix. Afin de soulager l'anxiété de nombreuses personnes, nous pouvons à nouveau imposer un système et dire que celui-ci va faire ceci, et que l'autre va faire cela, ou nous pouvons apprendre à vivre en toute liberté. L'une des choses que l'on voit dans la vie, c'est qu'une fois qu'une personne ou un groupe de personnes a fait l'expérience de la liberté, elle ne veut plus jamais retourner à la non-liberté. Si quelqu'un impose à tous une réorganisation complète de la société et de nouvelles règles à suivre, cette personne sera heureuse, et tous les autres seront malheureux. Nous ne pouvons donc pas passer de la liberté à la servitude. En réalité, nous n'avons qu'un seul choix, celui d'apprendre à vivre en liberté. Et ensuite, nous devons apprendre à trouver notre svadharma.

Dans les temps anciens, tant en Inde qu'en dehors de l'Inde, l’idée était que l’on naissait dans une certaine famille à un certain stade de sa vie en raison de son karma, de sa tendance naturelle. Si vous naissiez dans une famille de charpentier, c'est parce que vous aviez la nature d'un charpentier, c'est pourquoi vous étiez né là, il n'était donc pas question de faire autre chose ; vous étiez né là parce que votre nature était d'être charpentier. La vertu de ce système était de donner à chacun une place dans la vie, mais le problème était qu'il n'était pas vraiment juste que toutes les personnes nées dans une famille précise avaient le même svadharma. En Inde, dès qu'à l'époque moderne le système des castes a été levé comme moyen de diviser le travail, les gens se sont lancés dans toutes sortes de professions, et il y a maintenant des membres des couches les plus basses de la société qui sont formés pour être prêtres dans les temples.

 

Comment trouver son svadharma, sa place dans la vie ?

Maintenant, nous devons trouver notre svadharma, mais comment le faire ? Aux gens qui lui demandaient comment ils pouvaient trouver leur place dans la vie, Swami Nihsreyasananda avait l'habitude de répondre: « Votre destin vous poursuit, ralentissez un peu et laissez-le vous rattraper. »  Nous avons tous une place dans la vie. Nous sommes nés avec des tendances naturelles, avec des goûts et des dégoûts naturels. Il s'agit de trouver ce que nous aimons, ce pour quoi nous sommes doués, puis de rechercher des opportunités. C'est facile à dire mais pas si facile à faire bien souvent. Je connais des gens qui, dès l'âge de neuf ans voulaient être artistes et c'est ce qu'ils ont toujours voulu être. Pour eux, c'est facile, ils savaient dès l'âge de neuf ans ce qu'ils voulaient faire, et ça ne change pas.  Mais pour la majorité des gens, ce n'est pas si facile.  Pour en revenir à ce que disait Swami Nihsreyasananda, une chose que vous pouvez faire si vous n'avez pas une forte orientation vers un chemin particulier dans la vie, vous pouvez commencer par ce qui est devant vous. Ne vous inquiétez pas trop à ce sujet, ne vous demandez pas si c'est le meilleur chemin pour vous, commencez simplement avec ce qui se trouve devant vous, gardez les yeux ouverts et voyez où la vie vous mène. Comme l'a dit Swami, votre destin essaie de vous rattraper, mais vous vous en éloignez trop vite. Donc, il suffit d'être attentif à ce qui se passe et vous verrez que la vie commence à donner des opportunités. L'un des problèmes qui se pose dans notre recherche de destin est que la plupart d'entre nous pensons qu'il faut être mondialement connu, être le plus grand ceci ou le plus grand cela, mais peu d'entre nous n’a la possibilité d’y arriver. Souvent nous avons une idée exagérée de notre propre grandeur, et pensons que notre destin est de changer le monde. Mais nous sommes nombreux à mener une vie simple, et c'est déjà bien. Une personne peut devenir un grand saint, pleinement illuminé, simplement en accomplissant le travail le plus ordinaire du monde. Ainsi, encore une fois, cherchez à voir ce qui est là devant vous, que vous pouvez faire maintenant, et commencez par cela. Cela ne signifie pas que vous terminerez là, mais c'est le début.

Ici, je veux changer la métaphore où j'ai dit que votre destin essaie de vous attraper. En fait, votre destin est à l'intérieur de vous et il attend de sortir, alors laissez-le sortir. Et il le fera, juste en faisant des choses ordinaires dans une vie ordinaire, si vous êtes destiné à ce que le monde considère comme de la grandeur, personne ne peut vous en empêcher, elle viendra. Oui, elle viendra d'elle-même et rien ne peut l'empêcher de se produire. Donc, nous n'avons pas à essayer d'y arriver ; nous devons faire ce qui est devant nous et regarder les opportunités qui s'ouvrent à nous. Peut-être avez-vous besoin d'un emploi, et vous en acceptez un en tant que caissier de banque parce qu'il n'y a rien d'autre que vous trouvez en ce moment, cela ne signifie pas que vous serez là pour toujours. Et même si vous êtes là pour toujours, ce n'est pas en soi une mauvaise chose, quel que soit le travail. L'idée du svadharma est qu'en faisant ce qui est conforme à votre nature, vous trouverez l'épanouissement, quel que soit le travail. Vous pouvez être la personne qui ramasse les ordures, ou vous pouvez être un balayeur de rue, vous pouvez être le PDG d'une entreprise, peu importe, mais si c'est votre svadharma, alors vous commencerez à y trouver de la satisfaction.  Encore une fois, tout ce que vous devez faire pour trouver votre svadharma, c'est de commencer par ce qui se trouve devant vous, de le faire au mieux de vos capacités, et si ce n'est pas ce que vous êtes censé faire, d'autres opportunités s'ouvriront à vous. Donc, vous n'avez pas à vous inquiéter de cela, la seule chose à faire est de garder les yeux ouverts et d'être prêt pour le changement s'il se présente à vous. Et puis bien sûr, cela ne veut pas dire que la vie n'aura pas de difficultés ; toute vie a des difficultés, chaque vie a des difficultés. Donc, trouver votre svadharma ne signifie pas que soudainement il n'y a plus de problèmes. Non, cela signifie simplement que vous vous stabilisez dans votre vie.

Pour conclure permettez-moi de donner deux exemples, ceux de ma mère et de mon père. Habituellement, en tant que swamis, nous ne parlons pas de notre vie pré-monastique, ni de notre famille. Mais ici, mes parents illustrent bien le propos et bien sûr je les connais, donc ils sont prêts dans mon esprit. Plus tôt dans ma vie de swami j'aurais dit que je connaissais deux personnes qui ont fait cela, mais maintenant, je ne suis pas inquiet d'être attaché à mes parents et donc je peux dire mes parents, je n'ai pas besoin de cacher de qui je parle. Ma mère, qui est décédée en 2018, m'a dit que son désir dans sa vie avait été de nous avoir, nous, ses cinq enfants, et qu'avec cela elle avait été comblée, elle n'avait pas besoin de plus. Cela ne signifie pas que toutes les femmes sont censées faire de même, mais cela signifie que ma mère avait trouvé ce qu'elle voulait faire, qu'elle l'a fait et qu'elle est morte heureuse de l'avoir fait. Elle n'a jamais eu de pouvoir, n'a jamais eu de travail, donc n'a jamais gagné d'argent, mais elle a trouvé le bonheur dans ce qu'elle faisait. Et bien sûr, elle a dû faire face à de nombreux problèmes. Mais malgré tous ces problèmes, elle avait choisi ce qu'elle voulait faire, et elle était heureuse de l'avoir fait. Quant à mon père, il était professeur d'université, mais dans un très petit collège de femmes, et il n'a jamais atteint de renommée académique ou quelque chose de ce genre. Il a eu une très bonne et très honorable carrière académique en tant qu'étudiant et après cela, il a eu une carrière très ordinaire, mais la dernière chose que nous l'avons entendu dire la veille de sa mort était : « J'ai mené une vie merveilleuse. » Lui aussi a également dû faire face à de nombreuses difficultés dans sa vie mais parce qu'il avait trouvé ce qu'il aimait faire, un travail simple mais respecté, il est mort avec une grande satisfaction. Et la dernière chose que je dirai à son sujet, c'est qu'une des choses frappantes chez lui, comme chez ma mère d’ailleurs, c'est qu'il était un homme de parole, extrêmement bon et moral, extrêmement honnête. C'était un homme très bon et cela a également contribué au fait qu'il a pu mourir en pensant qu'il avait eu une vie merveilleuse.

 

Pour finir, votre svadharma est en vous et il essaie de sortir. Laissez-le sortir ! Et la meilleure aide pour arriver à cela est la sincérité.

Om Shantih, Shanith, Shantih