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 Les trois soeurs - Frère Benoît Billot

Une réflexion s’allume dans mon esprit, alors que je traverse le nouveau cloître de l’abbaye de Jouarre, par lequel tous les bâtiments monastiques communiquent entre eux. Il est carré, expression de la stabilité terrestre, mais il s’ouvre sur le ciel, bien dégagé en cette journée printanière. La poussée de la sève a fait éclater les bourgeons et sortir feuilles et fleurs des arbustes qui le peuplent. Guidé à chaque pas par des religieuses, après avoir visité l’hôtellerie et l’église, et avant de visiter les salles communes et les ateliers, je découvre l’aventure étonnante de ce lieu si ancien, et son histoire qui débute en 630. Ce qui m’éveille le plus, c’est le drame vécu par la communauté, très vivante à la fin du 18° siècle, lorsqu’éclata l’orage révolutionnaire. Les soeurs furent dispersées en 1792, l’église démolie (ses pierres ont permis la construction d’un pont sur la Marne), et l’ensemble du domaine divisé en 36 lots, aussitôt mis en vente.

 

                                                                                                                                                                                                                     En 1799, trois des moniales s’associèrent pour acheter l’un d’entre eux, dans une aile édifiée cent ans plus tôt. Des sœurs revinrent, la petite communauté s’étoffa, puis entreprit de racheter les lots à mesure que les hasards des vies familiales ou professionnelles faisaient qu’ils étaient mis en vente. L’abbaye de Pradines envoya du renfort et en 1837 la vie conventuelle reprit. On put construire une nouvelle église et acquérir d’autres lots. Le domaine foncier, quant à lui, ne sera jamais reconstitué.

 

Et pendant que j’écoute attentivement les explications des soeurs bénédictines, je me prends à voir, dans l’histoire qui débute avec l’épisode révolutionnaire, une image de toute vie humaine. Grâce à leur foi et leur patience, trois moniales ont refondé l’abbaye. Elles deviennent pour moi une métaphore significative du lent travail de développement et d’unification auquel est appelé tout humain. Prendre conscience de tous les aspects de ma réalité, des plus beaux jusqu’aux plus honteux, les accueillir, les relier à ce lieu central qu’est la Demeure Divine en moi, leur permettre de communiquer entre eux et de résoudre ainsi mes contradictions intérieures : tels sont des aspects importants du chemin de la vie spirituelle! Le cloitre, lieu silencieux de communication, en est un puissant symbole.

Le mot-clef en la matière : Intégration. Il s’agit de faire mien et de reconnaitre chacun des « lots » qui me composent. De regarder positivement mon aspect physique, mon âge et mon sexe, de discerner et accueillir mes failles et mes pentes fatales, d’assumer mon passé, mes échecs et mes traumatismes, d’apaiser ce qui est douloureux, de vivifier ma créativité et de vivifier mes potentialités, de découvrir les éléments fondamentaux de mon caractère, de prendre conscience de mes contradictions intérieures. Si je suis attentif à moi-même et à toutes les occasions qui me sont données, je peux faire des pas significatifs vers une plus grande humanité.

 Et je me dis : patience, fils d’homme ! Pense à ces trois Parques qui, à force d’obstination et de foi, ont tissé leur présent, ont puisé dans le passé la force d’espérer, l’ont relié au futur, et rendu possible un avenir en ces lieux. Ce petit « lot », racheté par elles, a permis toute la suite. Alors commence, et n’oublie pas que l’Esprit Saint oeuvre en toi… si tu le laisses faire, et fera fructifier ce que tu auras semé dans la foi. 

B.B


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