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Vedānta 221 - Editorial - Swami Baneshananda - Commentaires sur le Chapitre 8 de la Bhagavad Gītā

Editorial

Pour ce nouveau numéro du Védanta, deux articles sur le huitième chapitre de la Bhagavad Gita, l’un de Swami Baneshananda, l’autre de Swami Ritajananda.
Puis une nouvelle rubrique qui, chaque trimestre, citera quelques événements ou faits de la vie de l’ashram et du Centre Védantique, tirés des archives, Il y a ... dix, vingt, trente… et quatre-vingts ans. Il y a quatre-vingts ans, au premier trimestre 1941, Swami Siddheswarananda donnait une conférence à Montpellier, dont nous avons encore le texte et qui constitue le quatrième article.

Pour finir, nous donnerons la suite du Journal de voyage de Swami Vivekananda.
Bonne lecture !

 

  

La voie de l’impérissable brahman

Commentaires sur le Chapitre 8 de la Bhagavad Gītā

Swami Baneshananda

 

Nous abordons aujourd’hui le huitième chapitre de la Gītā. Ce chapitre s’intitule akṣara brahma yoga — ce qui signifie la manière de réaliser brahman. Śrī Kṛṣṇa débute son enseignement à partir du 3e verset qui commence avec les mots akṣara brahma, c’est la raison pour laquelle ce chapitre porte ce nom. 

Laissez-moi d’abord vous faire une petite introduction afin de voir le lien avec le chapitre précédent. Souvenez-vous qu’au verset 17 du chapitre 7, Śrī Kṛṣṇa dit que le dévot de la connaissance est le meilleur. Pourquoi est-il appelé dévot de la connaissance ? Parce que sa foi n’est pas seulement une foi aveugle.
Ce dévot connaît non seulement son Dieu personnel, mais il connaît également le brahman ultime, il est ouvert à la connaissance de l’approche dualiste et aussi non-dualiste. Ce dévot ne devient pas un fanatique de ses propres croyances. Il voit comment les autres pratiquent leur chemin spirituel.

Il n’est pas aveugle à ce qui se passe autour de lui dans le monde, il n’est pas dogmatique et il sait reconnaître que d'autres voies sont aussi valables. Un tel dévot est loué par Śrī Kṛṣṇa pour son esprit libre. Et c’est là qu’est la beauté d’un tel dévot.

 

Sept principes 

C’est pourquoi ce dévot connaît également les implications de sept principes. Quels sont ces sept principes ? C’est une question à laquelle a répondu Śrī Kṛṣṇa et je vais maintenant vous exposer ces sept principes. Comme je vous l’ai dit, ce dévot apprécie également la vérité non-dualiste.

Le premier principe c’est brahman, l’absolu.

Le deuxième principe est ātman, l’âme en nous.

Le troisième principe est karma, le travail.

Le quatrième est la source de l’univers matériel.

Le cinquième principe, c’est la divinité ou le pouvoir spirituel.

Le sixième, l’esprit ou Dieu derrière chaque action. Tout cet ensemble forme la pleine nature – matérielle et spirituelle – de Dieu. Ces deux natures sont des parties de Dieu et elles sont en Dieu.

Et le septième principe est sous forme de question : « Comment peut-on se souvenir de Dieu au moment de notre mort ? »

 

Cinq sujets

Ainsi, le chapitre 8 développe cinq sujets basés sur ces sept principes. Laissez-moi maintenant vous parler des cinq sujets.

Le premier est la définition des termes employés – ces termes ont déjà été mentionnés : ce qu’est brahman, ce qu’est ātman, ce qu’est karma, etc. il y en a six.

Le deuxième sujet aborde la question du septième principe : la manière de se rappeler de Dieu au moment de notre mort.

Ensuite le troisième sujet est la comparaison entre deux types de buts : le premier étant Dieu, le second étant le monde.

Le quatrième sujet lui, parle des deux chemins qui amènent à ces deux buts.

Enfin, le cinquième sujet est la gloire de notre pratique spirituelle. Ce sont donc là les cinq sujets que nous discuterons.

En fait, ces sept principes sont sept questions qu’Arjuna pose à Śrī Kṛṣṇa car il veut comprendre la signification de six nouveaux termes, et avoir une réponse à la septième question. Le Chapitre 8 commence avec ces sept questions qui sont énoncées dans les versets 1 et 2. Alors, étudions ces deux versets.

Avant de commencer, je voudrais vous rappeler la grande importance de ce chapitre pour nous tous, chercheurs spirituels sérieux. Les cinq sujets qui y sont étudiés sont d’une extrême importance.

 

Les définitions

Nous allons donc commencer avec le premier sujet. On lit dans le premier verset de ce chapitre 8 de la Gītā qu’Arjuna demande à Kṛṣṇa ce qu’est brahman l’absolu, quel est l’esprit inhérent de l’ātman (adhyātman), ce qu’est le karma, quelle est la fondation de la création matérielle (adhibhūta), et qui est ce Dieu qui gère tout cela (adhidaiva). Et dans le deuxième verset il lui demande qui est le Dieu principal derrière tous ces rituels (adhiyajña) ? On dit que Dieu habite ce corps, comment ce Dieu contrôle-t-il les rites religieux ? Comment distribue-t-il les résultats de notre travail ? Comment une personne devrait-elle méditer sur Dieu au moment de sa mort ? Les versets 3 et 4 seront les réponses de Kṛṣṇa.

À la question « Qui est brahman ? », il dit que brahman est l’impérissable vérité. C’est la vérité ultime.

Ensuite sa deuxième réponse est : ātman est la même chose que brahman, il est au-delà de tous les individus.

Et karma signifie : toutes les actions. Nos actions sont les causes de nos naissances et renaissances. Nous sommes responsables de nos naissances et renaissances.

Ensuite à la quatrième question « Quelle est cette création matérielle ? », Śrī Kṛṣṇa répond qu’elle est périssable. À la cinquième question « Qui est ce Dieu derrière tout cela ? », Śrī Kṛṣṇa répond que ce Dieu est l’esprit cosmique derrière le cosmos.

Et à la sixième question « Comment Dieu gère-t-il toutes les actions ? » Śrī Kṛṣṇa dit que Dieu lui-même gère toutes ces actions. Toutes ces actions se produisent grâce à la présence de Dieu.

Et du 5e verset jusqu’à la fin du chapitre, Śrī Kṛṣṇa élabore la réponse à la dernière question : « Comment se souvenir de Dieu au moment de notre mort ? ».

 

Ici repose le secret de la loi du karma

Laissez-moi vous parler brièvement de la loi du karma. Cette loi est la théorie hindoue de la renaissance. Elle rationalise la définition contradictoire de Dieu. Nous savons que Dieu est tout amour, pourquoi y a-t-il alors autant de souffrances dans le monde ? Dieu chercherait-il à punir, comme certaines religions le pensent ?

Cette théorie de la loi du karma peut être placée entre l’anarchie et le déterminisme pessimiste. La loi du karma est une loi de cause à effet. Supposons que nous plantions une graine de manguier dans le sol, qu’obtiendrons-nous ? Nous obtiendrons uniquement un manguier, nous n’obtiendrons pas un pommier. Le karma signifie cause à effet. Nous ne pouvons pas nier notre passé, mais nous pouvons changer – dans le présent ­­­– pour un futur meilleur. En fait, l’anarchie et le déterminisme sont basés sur les actions passées, mais la loi du karma dit que nous avons le droit de changer notre futur. Nous pouvons défaire ce que nous avons fait.

Il y a deux types de karma : le bon, et le mauvais. Supposons que j’ai 100 bons karma, et que j’ai 20 mauvais karma, combien alors de karma me reste-t-il ? 100 - 20 = 80 ? Non, ce n’est pas ainsi que le karma fonctionne ; le karma ne suit pas ces règles de comptabilité moderne. Mon crédit de karma sera toujours de +100 et de -20. Je pourrai jouir de 100 unités et souffrir de 20. Et cette joie et cette souffrance seront réalisées de manières séparées. On ne peut donc pas échapper à nos mauvaises actions, de la même manière qu’on ne peut pas échapper à nos bonnes actions. Nous savons que ces impressions de karma décideront de nos naissances à venir.

La question maintenant est de savoir lequel de ces deux traits, bon ou mauvais, influencera nos prochaines naissances ? Śrī Kṛṣṇa dit que cela dépend de nos pensées au moment de notre mort. Si nous avons de bonnes pensées au moment de notre mort, alors nous renaîtrons dans une bonne situation et nous obtiendrons un corps en bonne santé dans notre prochaine vie. Notre prochaine naissance est contrôlée par nos dernières pensées. Nous voulons tous renaître dans une bonne famille, avoir un corps et un mental en bonne santé ; nous voulons tous ces bonnes choses pour nous.

Le problème est de savoir quelles seront nos pensées au moment de notre mort. C’est une situation très, très risquée. Śrī Kṛṣṇa résout ce problème d’extrême incertitude : il dit que si nous avons le désir de Dieu au moment de notre mort, notre renaissance sera de telle sorte que nous pourrons réaliser ce désir. Et la situation dans laquelle nous renaîtrons nous aidera à poursuivre notre chemin vers Dieu et ce sera une chose naturelle pour nous. Alors, ceux qui suivent le chemin d’un Dieu personnel continueront à poursuivre ce chemin et, dans leur prochaine vie, ils iront vers ce Dieu personnel, et obtiendront ainsi la libération finale.

Mais – et ici il faut bien mettre l’accent sur le mais – quelle est la garantie que nous penserons à Dieu au moment de notre mort ? Quelle est la garantie que nous aurons de bonnes pensées à ce moment-là ? C’est une question très importante qui ne doit pas être prise à la légère, parce qu’au moment de notre mort nos organes auront peut-être tous décliné, notre cerveau ne fonctionnera peut-être plus. De plus, nous n’avons aucune idée du moment précis de notre mort. C’est une incertitude extrême. Mais alors, comment nous assurer que nous aurons de bonnes pensées ? Y-a-t-il une manière dont Śrī Kṛṣṇa puisse nous aider ? Parce que, comme je l’ai mentionné, nous pourrions être complètement démunis au moment de notre mort.

Śrī Kṛṣṇa nous explique dans tout le reste de ce chapitre la méthode qui nous aidera. Il nous conseille de prendre l’habitude d’avoir constamment des pensées positives en Dieu. Cela doit être une habitude et nous devons commencer dès maintenant. Et une fois l’habitude ancrée, il sera alors facile de penser à Lui au moment de notre mort. C’est une assurance que Dieu lui-même nous donne. Ayons de bonnes pensées en Dieu dès maintenant ! Et spontanément, il nous sera facile de penser à Dieu à n’importe quel moment. Dans le 7e verset, Śrī Kṛṣṇa nous demande de nous rappeler constamment de Dieu en tant que but de notre vie et de savoir que cela nous mènera à la libération. Il n’existe aucune autre voie pour obtenir notre salut personnel.

 

Pratiquer la présence de Dieu

Śrī Kṛṣṇa nous suggère une chose concrète qui s’appelle upāsana ou "la pratique de la présence de Dieu". Vous verrez que du 9e au 13e verset, Śrī Kṛṣṇa élabore et décrit précisément la pratique de l’upāsana qui nous permettra de nous rappeler de Dieu au moment de notre mort. L

La méthode est la suivante : on doit réorienter, ou rediriger, les sens de nos organes de perception et de nos organes d’action. Cela est connu sous le nom de yama et niyama dans les Yoga Sūtra. Ensuite il dit que grâce à l’entraînement de cette pratique, l’énergie qui coule naturellement de nous vers le monde extérieur sera réorientée vers Dieu. L’énergie que nous utilisons pour faire tout travail matériel doit être redirigée vers Dieu. Pour ce faire, il faut changer la perception du travail lui-même : au lieu de dire que nous faisons un travail matériel, disons que nous accomplissons un service spirituel. Cela permettra de réveiller en nous l’énergie de la kuṇḍalinī. Cette énergie remontera jusqu’à notre tête, l’idée ici étant que tout travail matériel doit avoir un but spirituel.

C’est aussi ce que Swami Vivekânanda a toujours dit : tout travail est un culte. Si nous savons que nous sommes des êtres divins, alors, quoi que nous fassions sera un acte divin. L’énergie que nous utilisons pour faire un travail est appelée prāṇa – force vitale – par Śrī Kṛṣṇa. Cette énergie sera utilisée à des fins spirituelles parce que l’action matérielle que nous sommes en train de faire est une activité spirituelle. Alors l’esprit aura fait un bon travail, il aura transformé le flot d’énergie matérielle en un flot d’énergie spirituelle. Après quoi, comme l’explique le verset 12, le mental pourra se retirer de lui-même et se placer dans le cœur, parce que l’upāsana étant le chemin de la dévotion vers Dieu, la méditation sur Dieu se fait au niveau du cœur, le prāṇa concentré en ātman, en prononçant la syllabe oṁ.

Ce Dieu peut être n’importe quelle déité choisie par le dévot pour faire cette méditation. Ce Dieu est le maître éternel, le soutien de toute énergie matérielle et spirituelle. Il est lumineux et au-delà de l’ignorance. Toutes les écritures dualistes parlent de ce Dieu seul. Tous les chercheurs l’atteignent, lui et lui seul. Toutes les disciplines ont comme but ultime d’atteindre ce Dieu. Et ce Dieu devrait être le but ultime de tout dévot pratiquant sincèrement la méditation sur Dieu. Ce dévot peut apprendre d’autres voies de dévotion, ou peut connaître d’autres religions, mais il méditera toujours sur son propre Dieu avec une entière attention. Alors, et alors seulement, il sera capable d’atteindre son seul Dieu. Cela est expliqué dans le verset 14.

Ce chapitre 8 comprend vingt-huit versets. Jusqu’ici Śrī Kṛṣṇa a abordé deux points. Nous avons vu qu’il a d’abord expliqué les termes et a ensuite donné la réponse à la question : « Comment sera notre prochaine vie ? ». Nous avons vu que nous avons deux types de karma et que nous ne savons pas lequel sera activé lors de notre prochaine vie. Si c’est le mauvais qui est activé, alors toute notre vie sera perturbée. Si c’est le bon, alors nous aurons une bonne vie spirituelle. Et nous avons aussi vu le conseil le plus important que Śrī Kṛṣṇa nous donne, celui de prendre l’habitude de méditer sur Dieu :

  • avoir de bonnes pensées
  • en faire une habitude
  • ce qui mène au but. 

 Il faut imaginer cette méditation comme un remède qui guérit les symptômes et toutes nos mauvaises habitudes. Il nous permet de nous abandonner totalement à Dieu. Plus nous pratiquons la méditation, plus il nous sera difficile d’avoir de mauvaises pensées, plus il nous sera facile de nous rappeler de Lui le moment venu. Méditer sur Dieu arrête les mauvaises pensées. L’habitude de méditer sur Dieu se maintiendra même au moment de la mort. Ainsi, peu importe quand arrivera ce moment, nous mourrons en pensant en Lui. Et alors personne ne pourra nous empêcher d’avoir une meilleure vie lors de notre prochaine naissance. Ce principe est un principe extrêmement important dans la vie spirituelle.

 
Dieu comme but suprême de la vie

Le troisième sujet est la comparaison entre deux types d'objectifs : prendre Dieu comme objectif, ou prendre le monde comme objectif. Le premier type d’objectif est d’ordre spirituel, le second est d’ordre mondain. Ce sujet est traité des versets 15 à 22 du chapitre 8 de la Gītā où Śrī Kṛṣṇa compare ces deux types d’objectifs. Il dit que l’un est celui de la personne religieuse, l’autre celui de la personne matérialiste. Il explique que personne ne peut arrêter le cycle des renaissances en cherchant à augmenter son plaisir. Toutes les sources de plaisir sont sujettes à destruction. Nous ne pouvons échapper à la mort en faisant l’acquisition d’un corps meilleur.

Śrī Kṛṣṇa révèle ainsi une grande vérité : même Brahmā, le créateur, qui a la vie la plus longue, est lui aussi impermanent. Alors que dire des êtres humains ordinaires ? Śrī Kṛṣṇa dit que nous, les êtres humains, nous apparaissons durant le jour de Brahmā et nous disparaissons durant sa nuit. Alors tout lieu plus élevé, tout corps meilleur, tout accomplissement dans ce monde matériel, tous ont une fin. Ils ont un début et ils ont une fin. Supposons que vous fassiez du bon travail dans le monde, vous faites alors l’acquisition de quelques mérites et, de ce fait, vous allez au paradis où vous jouissez de ces mérites. Après, vous devez revenir car vous avez liquidé votre crédit de karma. Tous vos accomplissements sont périssables mais Dieu, qui est au-delà du temps, est sans changement, il est la réalité impérissable. C’est pour cela que Śrī Kṛṣṇa dit que Dieu est le but suprême de la vie. Tout, chaque être et chaque chose, existe en Dieu et tout est imprégné de Dieu. Quand nous réalisons Dieu comme la vérité impérissable, alors nous pouvons éviter la renaissance, nous ne sommes plus sujets à la souffrance.
 

Le chemin pour atteindre Dieu

Le quatrième sujet est tout aussi intéressant. Nous avons parlé de la manière dont une personne devrait mourir et avec quelle pensée. Nous avons aussi vu quel devrait être l’objectif pour chacun de nous. Sur ces deux sujets, Śrī Kṛṣṇa nous a éclairé en disant que Dieu devrait être l’objectif de la vie et que nous devrions mourir en pensant à Lui. Tous les autres objectifs sont des objectifs matériels et, quand bien même nous les atteindrions, ils sont périssables.

Nous avons donc le but ultime et aussi la méthode pour aborder la mort. Maintenant qu’arrivera-t-il au moment de notre mort ? Est-ce que le but, ou Dieu, continue jusqu’après notre mort ? Est-ce que dès que nous mourons, nous nous retrouvons sur les genoux de Dieu ? Non, il n’en est pas ainsi. Śrī Kṛṣṇa dit qu’il y a deux chemins qui peuvent nous amener à notre but, deux chemins qui conduisent à notre objectif après la mort, deux chemins qui amènent à deux objectifs. L’un des chemins est sombre, l’autre est lumineux.

Le premier nous mène à travers les ténèbres dans l’ignorance, et nous n’y avons aucun contrôle ; le second, le chemin lumineux, est le chemin de la lumière de la connaissance, en lequel on ne s’occupe pas de la façon d’aller vers le but. Le chemin sombre est le chemin du retour. Si au moment de notre mort nous sommes engagés sur le chemin sombre, alors il est certain que nous devrons revenir dans ce monde. Nous serons sujets à la renaissance. Mais si nous nous engageons sur le chemin lumineux, nous voyagerons alors sur le chemin de la libération graduelle et nous ne reviendrons pas. C’est ce qui s’appelle krama mukti, ou la libération graduelle.

Les upaniṣad parlent d’un troisième chemin, celui de l’ignorance, emprunté par les personnes qui ne se posent aucune question sur la vie, et qui vivent leur vie en suivant l’exemple du plus grand nombre. Elles pensent que vivre signifie naître et mourir et qu’il n’y avait rien avant leur naissance et qu’il n’y aura rien après leur mort. Les upaniṣad l’appellent la troisième voie : nous sommes nés et nous mourrons. Où cela mène-t-il finalement ? Les personnes qui sont sur cette voie vivent de manière répétée le cycle des naissances.  

Mais Śrī Kṛṣṇa ne l’a pas inclus ici : il ne parle que de deux chemins. L’un est le chemin du retour : les gens qui le pratiquent se posent quelques questions sur la vie, mais leurs questions ne les amènent pas à la libération finale. Ils ne s’interrogent que pour avoir plus de facilités, plus de joies, un meilleur corps afin de profiter davantage. Leur idée est qu’ils iront au paradis où ils pourront vivre ces plaisirs encore plus intensément. Il n’est ici aucunement question de libération ou de liberté spirituelle. Or si vous ne demandez pas la libération, vous ne l’obtiendrez pas. Ces personnes renaissent après avoir utilisé tout leur bon karma. Elles reviennent après avoir joui des bonnes choses du paradis. C’est donc le second chemin, le chemin des ténèbres.

 

Le premier chemin, le lumineux, est pratiqué par un dévot qui a des pensées positives et qui a Dieu comme objectif tout au long de sa vie. Ce dévot meurt en pensant à Dieu. Mais ici vient une question : nous avons vu beaucoup de gens mourir en état d’inconscience. Supposons donc qu’une personne ait pensé à Dieu toute sa vie, mais qu’au moment de sa mort elle ne peut plus, étant inconsciente, se souvenir de Dieu. D’abord, nous ne savons pas ce qui se passe vraiment dans l’esprit de cette personne, ensuite cela n’a pas d’importance car, grâce à la pratique continue de la pensée de Dieu tout au long de sa vie, non seulement son esprit, mais aussi son corps physique se sont sanctifiés. Le corps et l’esprit sont devenus divins. Śrī Kṛṣṇa a dit plusieurs fois : « Je promets au nom de la Mère divine qu’il n’y a rien d’autre que la Mère divine dans mon corps ». Et même la Gītā dit que la luminosité de Dieu se manifestera à travers chacun des pores de notre corps physique. Alors, si une telle sainte personne décède inconsciente, elle suivra certainement la voie lumineuse.

Cette personne est appelée un dévot et elle atteindra graduellement la libération finale. D’abord elle atteindra le lieu de son Dieu personnel et, après l’avoir atteint, avec la grâce de son Dieu, elle sera finalement libérée. C’est le chemin de la libération graduelle, krama mukti, la libération des chercheurs spirituels non-duels. Mais si cette personne a suivi le chemin de la dévotion, on parle de la grâce de Dieu pour la libération finale. Sur le chemin de la connaissance ou du vedānta non-duel il n’y a pas de place pour cette grâce. Voilà ce qu’on appelle le premier chemin, parce que c’est le meilleur des chemins.

Nous avons donc parlé de trois chemins. Le troisième chemin est utilisé par quiconque ne se préoccupe pas de devoir renaître à nouveau. La deuxième voie est celle des personnes qui s’interrogent sur le seul bien-être matériel. Et le premier chemin est celui dont la libération finale est le but.

 

Le meilleur chemin pour atteindre la libération finale

Vient ensuite le sujet final, le cinquième. Śrī Kṛṣṇa glorifie le chemin de la dévotion. Il dit que ce chemin est supérieur à tous les autres. Aucune autre voie n’est en mesure de nous mener à la libération finale. Cette voie, appelée la voie de la dévotion mêlée à la connaissance, nous aide beaucoup. Le dévot qui pratique cette voie est nommé jñāni bhakta. Il reçoit l’aide des Écritures et aussi de son guru, parce qu’il sait qu’il y a des étapes ultérieures après la réalisation de Dieu. Ces étapes ultérieures font référence aux étapes qui nous libèrent de la dualité. Atteindre Dieu et vivre avec Dieu signifie que nous sommes toujours attachés à la dualité. Or qui dit dualité dit limitations ; tant que nous sommes limités, nous ne sommes pas libérés.

Une question se pose sur cette libération : comment une personne qui souhaite accroître ses jouissances voyage-t-elle ? Śrī Kṛṣṇa dit que cette personne voyage à travers les ténèbres, qu’elle suit le chemin sombre. Et la personne qui veut réaliser Dieu, comment voyage-t-elle ? Śrī Kṛṣṇa dit qu’elle voyage sur le chemin lumineux. Et quand une personne qui a atteint Dieu veut la libération, comment voyage-t-elle, par la voie sombre, ou la voie lumineuse ? La réponse a été expliquée de manière très élaborée dans le 7e Chapitre de la Gītā, et elle est aussi mentionné dans le 9e Chapitre. C’est le chemin de la libération instantanée. Cette libération peut intervenir n’importe où et à n’importe quel moment dès que nous avons la connaissance.

Mais quelle est cette connaissance ? C’est la connaissance de notre être. « Qui suis-je ? » devrait être la question à se poser.
Aussitôt qu’une personne sait qui elle est, elle est immédiatement libérée. Il n’est plus question de voyager vers un but parce que le but n’est pas loin d’elle. Le
temps et l’espace se dissolvent aussitôt qu’une personne sait qui elle est, quelle que soit l’heure et quel que soit le lieu.
Śrī Kṛṣṇa dit que cette voie de dévotion a son propre pouvoir et qu’elle mènera le dévot jusqu’à un guru qui l’aidera à connaître la signification des Écritures. Sinon, il restera ignorant de lui-même.
Ce dévot, aidé par les Écritures et par son guru, voyagera sur le chemin lumineux vers Dieu et, par la grâce de ce Dieu, il atteindra la libération.

On dit que le dévot qui atteint Dieu atteint mukti, qu’il est sauvé ; mais quand il réalise son propre Soi, on dit qu’il atteint la libération finale, mokṣa, l’arrêt du cycle des naissances et des morts répétées. C’est pourquoi Śrī Kṛṣṇa dit que cette voie de la dévotion est utile, tant pour la libération graduelle que pour la libération instantanée, ou jīvan mukti. Tel est le dernier sujet.

 

Résumé du huitième chapitre

Pour conclure, j’aimerais vous donner un bref résumé de l’ensemble de ce chapitre. Nous avons vu plus tôt qu’Arjuna parle d’un chercheur spirituel qui n’est ni fanatique ni dogmatique. Cette personne est curieuse de connaître la définition de plusieurs termes. Cette personne peut être le dévot d’un Dieu particulier mais dont l’esprit reste ouvert à d’autres voies. Elle demande ainsi les définitions des mots utilisés dans d’autres chemins. On voit que ses questions concernent non seulement la voie dualiste, mais aussi la voie non-dualiste. Ce dévot est un dévot libéral. Ensuite Arjuna demande comment avoir de bonnes pensées au moment de la mort. C’est une question très importante, qui devrait être la question que se pose tout être humain. Nous devrions chercher à savoir ce qui se passe après notre mort, nous devrions chercher à savoir quel chemin prendre, vers quelle destination nous allons, mais nous ne nous intéressons pas à la façon de vivre dans ce monde, nous préférons nous intéresser à la vie après la mort. Comme on ne s’intéresse pas à la vie avant la mort, vous voyez pourquoi ce chapitre est si important. Śrī Kṛṣṇa nous y enseigne comment vivre avant la mort, comment notre vie doit être avant la mort.

Le cœur du chapitre est donc que nous récolterons après notre mort ce que nous avons semé pendant notre vie. Notre vie avant la mort déterminera notre vie après la mort. Śrī Kṛṣṇa dit que nous devons développer de bonnes habitudes divines et qu’ainsi, après la mort, nous pourrons bénéficier d’un traitement divin. Et cela paraît équitable. C’est une question très importante pour Arjuna, elle devrait l’être autant pour chacun de nous.

Ensuite Śrī Kṛṣṇa compare les deux types d’objectifs. Si nous comparons entre Dieu et le monde nous savons quel est le meilleur des buts. Si on prend le monde comme objectif alors nous sommes matérialistes et nous devons faire l’expérience des renaissances et des morts, telle sera notre destinée. Mais si, au contraire, on choisit Dieu comme but, alors le monde sera là aussi, parce que le monde ne peut pas être là sans Dieu. Il sera donc sage de choisir le chemin de Dieu. Śrī Kṛṣṇa dit : « Suivez la voie de la dévotion car cette voie de la libération a la capacité de vous mener à libération finale ». Le 28e verset dit que le dévot qui suit le chemin de Dieu n’est jamais confus ou dans l’illusion. Ce dévot est stable dans le yoga à tout moment. Sachant cela, le yogi transcende toutes les récompenses basées sur le mérite et toutes les prescriptions mentionnées dans les Écritures. Il transcende tout ce qui est requis par les austérité, tapas. Il atteint l’état permanent de l’Être suprême. Il sait ce qu’il est et il est libéré à jamais de toutes questions. Ce dévot a atteint la réalisation finale, il a compris la signification de sa naissance. Et alors il est béni !

 

Tel est le huitième chapitre de la Bhagavad Gītā.

 

 

 

 

 

 Vedānta 221 - Mars 2021

 

 

 

  

                                                                                                                                                                                                                                      

 

 

 

 

 

 


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