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Les Upaniṣads et le Vedanta

 

 

 

 

 

 

 

 Mantra :

             ‘Oṁ    pūrṇam adaḥ pūrṇam idaṁ pūrṇāt pūrṇam udacyate

             pūrṇasya pūrṇam ādāya pūrṇam eva_avaśiṣyate’

             ‘Oṁ    śāntiḥ, śāntiḥ, śāntiḥ’ 

             Oṁ   La Plénitude infinie est Brahman,

             la Plénitude infinie est l'univers manifesté,

             la Plénitude infinie prend naissance de la Plénitude infinie.

             Réalisez la Plénitude infinie de la Plénitude infinie,

             seule demeure la Plénitude infinie.

             Oṁ   Paix, paix, paix.

 Ce mantra introduit 2 upaniṣads (Îśā + Bṛhadāraṇyaka).

Avec quelques aphorismes (mahāvākyāḥ), il résume à lui-seul la totalité de l'enseignement des upaniṣads.

 

Actualité des upaniṣads. La nature humaine est inchangée depuis des millénaires. Les upaniṣads donnent les réponses aux grandes questions existentielles. La philosophie doit être source quotidienne d'harmonie et de paix.

 

Les upaniṣads trouvent leur source dans les vedas.

 

 

Présentation des 4 vedas (Rig-veda, Yajur-veda blanc et noir, Sama-veda, Atharva-veda). 

Ils se composent de 4 grandes sections : Samhita, Brāhmaṇa, Araṇyaka et Upaniṣads

 

 

Les quatre vedas :

Ṛg-veda : recueil d’hymnes, -1500 à - 900,

Yajur-veda : mantras et rituels, âge du fer, - 1000,

Sama-veda : recueil de chants, extraits du Ṛg-veda, à l’usage du hotṛ,

Atharva-veda : incantation, magie, médecine (traitement de la lèpre).

 

Ces 4 livres ont été composés par ajouts successifs sur des périodes de plusieurs siècles. Complétés par les Brahma-sutras et la Bhagavad-Gītā, ils constituent la partie essentielle de la Śruti, la révélation de l'Inde ancienne, qui a été “entendue” par les anciens sages.

 

Contenu des védas. Ils expliquent comment :

1° - vivre bien en ce monde et gagner ensuite le deva-loka, le paradis,

2° - connaître : ‘Ce qui, étant connu, tout le reste est connu’.

 

Les upaniṣads constituent la quintessence de l’enseignement védique. À quelque veda qu’elles appartiennent ce sont les compositions les plus tardives. La chronologie s’échelonne de - 800 à - 500.

En théorie, chacune des 1180 branches des 4 vedas devrait se terminer par une upaniṣad. Beaucoup ont été perdues. Aujourd’hui, selon les spécialistes, on ne dénombre que 250 à 170 upaniṣads. Sur ce nombre, 10 (+ 2) sont considérées comme principales. Ce sont celles qui ont été commentées par Śaṅkara.

 

 

À savoir :

Îśāvāsya ou Îśā-upaniṣad, Yajur-veda blanc

Kena, Sama-veda

Kaṭha, Yajur-veda noir

Praśna, Atharva-veda

Muṇḍaka, Atharva-veda

Māṇḍūkya, Atharva-veda

Aitareya  (- 700 à - 500), Ṛg-veda

Taittirīya  (- 600 à - 500), Yajur-veda noir

Bṛhadāraṇyaka  (- 800 à - 700), Yajur-blanc

Chāndogya  (-500), Sama veda

+

Kauśitaki, Ṛg-veda

Śvetāśvatara  (-400 à -200), Yajur-veda blanc

et, selon certains, la Bhagavad-Gītā

 

Les upaniṣads constituent le cœur de la Śruti. Cet enseignement était, à l’origine, transmis oralement de maître à disciple (ce que l’on apprend en étant assis auprès d’un maître qualifié). Elles présentent l’enseignement métaphysique des védas.

 

Elles sont la source principale du védanta

 

Le Vedanta (= Uttara-Mīmāṁsa), est la conclusion logique des vedas, laquelle traite de métaphysique. Le vedanta est devenu la tradition dominante de l’hindouisme à partir de la période médiévale.

 

Le vedānta lui-même se subdivise en plusieurs branches :

1 Advaita, non dualisme, Gaudapada, Śaṅkara, 788 - 820

2 Viśiṣṭādvaita, non dualisme qualifié, Rāmānuja, 1040 - 1137

3 Dvaita, dualisme qualifié, Madhva, 1238 - 1317

4 Dvaitādvaita (Bhedābheda), Nimbarka, 13ème siècle

5 Shuddhādvaita, Vallabha, 1479 - 1531

6 Acintya Bhedābheda, Chaitanya Mahāprabhu, 1486 - 1534P

 

Sur ces 6 voies, seules les trois premières sont connues et, parmi ces trois spéculations, la première est très largement dominante. Depuis plusieurs siècles, et jusqu’à nos jours, le Śaṅkarācārya de Śṛṅgeri a, en Inde, une notoriété équivalente à celle du pape en Occident chrétien catholique.

 

Ces trois systèmes croient qu’il n’existe qu’un seul Dieu, qu’une seule et unique Réalité éternelle. Dans ce sens, ce sont des voies monothéistes. Ekaṁ sad viprā bahudhā vadanti “La Vérité est une, les prêtres en parlent différemment”, Ṛg-veda.

 

L’advaita vedānta de Śaṅkara :

Pourquoi privilégier cette voie.

La métaphysique est dépouillée de toute notion de religiosité ou de mysticisme. Elle fait appel à l’observation, l’analyse, la discrimination, l’inférence. Elle purifie l’émotivité et est accessible à tous quels que soient les cheminements personnels.

 

Cette philosophie s'attache au Réel.

Définition du réel :

En quoi une chose est-elle réelle ou apparente (conditionnée) ?

1° - La Vérité doit être exempte de toute contradiction, acceptable par toute personne quelle qu'ait été sa formation antérieure. La vérité doit être tri-kāla-abādhita = non-affectée par un des trois modes du temps, passé, présent et futur.

2° - La Vérité doit être évidente en elle-même et par elle-même (svayam-prakāśa). Elle ne doit être subordonnée à aucune chose, aucun principe. Car si elle dépend d'un autre facteur, elle est conditionnée et ne peut être la Vérité ultime.

3° - La Vérité doit être universelle, car si tel n'était pas le cas, la Réalité pourrait s'opposer à une partie située en dehors de son champ d'application ce qui violerait le premier critère de non-contradiction (cf. Swâmi Siddheswarânanda, Essai sur la métaphysique du Vedanta, p. 10).

Aucune restriction n’est de mise. Il convient donc d’envisager la vie dans son intégralité et, partant, d’inclure dans notre étude les trois états de conscience.

 

Les trois états de conscience :

jāgrat, état de veille, conscience différenciée, objets du monde phénoménal,

svapna, état de rêve, conscience différenciée, objets créés par le mental (pour l’essentiel),

suṣupti, sommeil profond, conscience indifférenciée.

 

De ce dernier état aucun souvenir, aucun objet ne subsiste au réveil. Simplement, les paroles ‘j’ai bien dormi, je ne me souviens de rien !’ en attestent l'existence.

 

En veille, comme en rêve, tant que durent ces états, la certitude de la réalité des objets et des expériences perçus n’est jamais mise en doute. On ne peut faire une hiérarchie de valeur en ce qui concerne cette réalité. Lorsque l’on émet un doute de validité sur les expériences oniriques, ce doute est fait à postériori, lorsque l’on a changé d’état.

 

Le monde de l’état de veille est considéré comme réel, beaucoup plus réel que le monde onirique que nous expérimentons chaque nuit et encore beaucoup plus réel que d’autres mondes que nous n’expérimentons pas et dont l’existence nous est affirmée par certains physiciens modernes (mondes à x dimensions mis en évidence par les déplacements aberrants de certains électrons dans des expériences réalisées en cyclotron, les accélérateurs de particules).

Si nous faisons preuve d’objectivité, nous devons admettre que tous les êtres vivants de notre monde ainsi que tous les composants matériels, depuis le simple caillou jusqu’au soleil lui-même sont impermanents. Tout cessera un jour d’exister, tout se transforme, tout se modifie, rien ne demeure intangible. Dans le monde du devenir, le changement est la règle. Tout naît, se maintient pendant une durée variable, puis disparaît. Or la Vérité ultime ne saurait être impermanente. Ce qui est sujet à modifications ne peut être qu’irréel face à la Réalité permanente (cf. ci-dessus).

 

Nous pouvons dire : “la table que je touche est réelle je la sens sous ma main”. Le critère de validité donné par l’expérimentation directe doit être reçu avec la plus extrême prudence. Cette terre semble immobile par rapport à nos pieds et pourtant elle tourne. Elle tourne sur elle-même, elle tourne autour du soleil. Le serpent vu dans une corde, le soir, est ressenti comme réel, tant que l’expérience dure. La reconnaissance d’irréalité ne vient que plus tard, lorsque la lumière change. En réalité, une perception est ressentie comme vraie tant que la perception dure. Elle est limitée dans le temps.

 

Examinons rapidement les trois états de conscience, les deux états de conscience différenciée, la veille et le rêve ainsi que l’état de conscience indifférenciée, le sommeil profond.

 

La conscience de l’état de veille nous semble avoir la primauté sur les autres modes, et cela est vrai tant que l’état de veille dure. Mais, chaque nuit, elle disparaît dans l’état de rêve et dans le sommeil profond. Sa vérité est une vérité relative. Elle ne dépasse pas les limites de l’état de veille. De même, la conscience de rêve est vraie tant que le rêve dure et, dans les limites du rêve, elle est la seule valable. La conscience indifférenciée du sommeil profond est une réalité dont nous réalisons à postériori l’existence, après être revenu dans un état de cognition duelle, quand en nous éveillant nous déclarons : “j’ai bien dormi” ! Avidyā, l’ignorance, consiste à prendre un état de conscience comme le seul réel ce qui nous empêche de voir la Totalité. Ce monde manifesté ainsi que la conscience qui l’accompagne sont irréels car ils sont changeants et éphémères. Mais on ne peut affirmer cela que si l’on est capable de se voir soi-même avec son corps physique, son mental et son cœur comme participant de la même irréalité. Autrement ces paroles ne sont que non-sens. Prenons un exemple :

Vous êtes endormi et vous rêvez. Dans votre rêve, tant que votre rêve dure, votre individualité, votre conscience et votre environnement sont pour vous parfaitement réels. Le rêve se termine. Durant le temps très court ou vous changez de niveau de conscience, vous vous voyez encore avec votre corps de rêve dans votre environnement onirique mais en sachant très bien que celui-ci n’est pas réel car vous avez déjà basculé dans la veille. Si le rêve est agréable, vous pouvez vous amuser à essayer de le prolonger volontairement tout en ayant conscience que vous êtes devant une fiction, comme un jeu de théâtre. Semblablement, l’être réalisé qui bascule en turīya, le quatrième état de pleine conscience, voit avec la même netteté l’irréalité de l’état de veille, lui-même inclus, tout en percevant encore les formes. C’est ce que Rāmakrichna appelait “se tenir sur le seuil de la conscience différenciée”. Les yogīs ordinaires, après avoir atteint turīya, quittent définitivement les modifications de conscience différenciée. C’est le nirvikalpa samādhi sans retour. Quelques-uns cependant acceptent, après avoir joui du kevala samādhi, de revenir au niveau différencié tout en gardant la pleine conscience de Brahman afin d’enseigner ou jouer dans la Līlā qui est alors perçue comme la dynamique de Brahman. Ceci est très précisément le “vijñāna samādhi” de Rāmakrichna.

 

En prenant un peu de recul, nous devons également admettre que ce monde n’existait pas pour nous avant notre naissance et il cessera d’exister après notre mort. Il ne répond donc pas à la définition du Réel telle qu’elle est donnée par le Vedanta.

 

Aussi, la “réalité” du monde est la preuve même d'une perception erronée ou, à tout le moins, limitée. Elle est la conséquence d'une identification avec une modification, matérielle ou mentale, éphémère. Et ceci est “avidyā”, l’ignorance.

 

Si réalité il y a dans ce monde, la seule acceptable est celle de la physique moderne qui voit dans l’espace infini un continuum d’énergie-matière dans des états d’expansion, de vibration et de densité variable. Notion récente qui est extrêmement proche, de la notion védique de l’éther (ākāśa). Celui-là seul possède une vision objective lequel voit dans la multiplicité des noms et des formes (nāma-rūpa) la même Essence unique, telle l'eau dans la vapeur, dans un flocon d'écume, dans les vagues de l'océan ou dans de la glace.

 

Nous venons de le voir, on ne peut donc faire un classement hiérarchique des trois états en regard de leur réalité.

On ne peut, non plus, faire un classement en regard de leur utilité. Certes, les expériences de l’état de veille semblent très utiles. Mais une personne que l’on empêche de rêver ou bien d’accéder au sommeil profond va, dans un premier temps connaître des névroses, puis, si la situation dure, elle meurt.

 

Dans chacun de ces trois états, le Sujet, Dṛk, le Témoin, le Spectateur ou plus simplement le ‘Je’ est le seul dénominateur commun. La grande question est : “Qui est ce ‘Je”. C’est ici que doit intervenir viveka, la discrimination.

 

Remarque :

Pour tous les phénomènes des deux états de conscience différenciée, la loi de la causalité est la règle intangible. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Il n’est aucune exception. Ce qui veut dire que la Réalité telle que définie en 2° ne peut appartenir à aucun des deux états de conscience différenciée. Ces 2 états sont le domaine de la dualité et de la transformation, ce qui est la définition du samsāra, le monde du devenir.

Or, notre corps, dans ses trois enveloppes (physique, subtile et causale) fait partie intégrante du samsāra.

Le vedanta reconnaît cinq gaines, pañca-kośa :

- physique : annamayakośa

- subtiles : prāṇamayakośa, manomayakośa, vijñānamayakośa

- causale : ānandamayakośa

La gaine causale ne fait que refléter la félicité de l’Âtman. Elle est aussi le lieu où sont conservés les imprégnations mentales, les saṁskāras.

Toutes ces gaines sont changeantes et impermanentes. Elles ne peuvent être la Réalité ultime, elles appartiennent au saṁsāra, à māyā, à l’irréel. Et l’on ne peut, en s’appuyant sur l’irréel, parvenir au réel.

Prenons un exemple concret : nous rencontrons une grande âme, un connaisseur de Brahman, brahmavid. Nous sommes subjugués par son rayonnement et, dans l’espoir d’accéder à son élévation, nous entreprenons une sādhanā pour nous transformer. Cette démarche est empreinte d’erreur. Aussi longtemps que vous souhaitez vous transformer, vous vous placez vous-même dans l’univers des transformations, dans le samsāra, et vous ne pourrez jamais accéder à la conscience de ātman-brahman.

Lorsque vous suivez une sādhanā, vous n’êtes pas en train de gravir un escalier qui, marche après marche va vous conduire à la Réalité ultime. Simplement, vous purifiez votre émotivité, vous nettoyez votre mental, dans ses deux niveaux, le conscient et l’inconscient. Vous fortifiez votre intellect et donc votre puissance de concentration et de discrimination. Mais tant que vous gardez un désir, même spirituel vous restez dans le monde des transformations.

Citation de Aṣṭavakra-gītā I - 15 :

      ayam eva hi te bandhaḥ samādhim anutiṣṭhasi.

      “Ceci même, en vérité, est ta chaîne : tu poursuis la réalisation”.

Nous sommes là devant un jeu subtil du mental : auto-jugement et but à atteindre.

Tant que l’on veut devenir, on ne peut résider dans l’Être, sat.

      “Tant que vous voudrez devenir, vous ne serez jamais dans l’Être et vous ne serez pas grand-chose. Lorsque vous cesserez de vouloir devenir, alors, peut-être, serez-vous quelque chose” (Sukumāra).

En réalité, les désirs spirituels servent à transcender les désirs primaires. Mais viendra le moment ou ceux-ci également devront être rejetées. (Rāmakṛṣṇa, parabole des deux épines).

 

La sādhanā sert à se placer en condition de parvenir à Mokṣa.

 

Qu’est-ce que mokṣa, la libération ? Beaucoup pensent qu’il s’agit de la fin de la quête, l’achèvement spirituel. Ceci est tout-à-fait inexact.
Mokṣa est simplement l’abandon des désirs égocentriques, le lâcher-prise intérieur. L’abandon du ‘je’, du ‘moi’, du ‘mien’. Lorsque cet abandon est réalisé, la peur de la mort, de la souffrance, des évènements s’évanouit comme un nuage dans un ciel d’été. Ce qui nous limite et nous enchaine ce sont les désirs, la ronde sans fin des désirs et rien d’autre. Lorsque cette soif incessante des désirs est apaisée, vous êtes libres, totalement libres (Bh-G II-70, 71). “De même que les eaux entrent dans l'océan qui tout en s'en emplissant demeure en équilibre, de même, il obtient l'apaisement, celui en lequel entrent tous les désirs et non pas celui qui désire les désirs. L'homme qui, après avoir abandonné tous désirs se meut sans passions, détaché, sans égoïsme, celui-là parvient à la paix”.

 

Lorsque le flot des désirs est calmé, alors seulement pourra, peut-être, apparaître l’intuition métaphysique qui seule permet de réintégrer la conscience de Brahman. Tant que l’on veut atteindre Brahman, on ne l’atteindra jamais car la Réalité ultime ne peut se séparer en deux, une partie qui cherche à l’obtenir et l’autre qui est l’objet à atteindre. Nous sommes Cela. Tat tvam asi. Nous ne pouvons pas trouver Brahman car, de toute éternité, en essence, nous sommes Cela. Nous cherchons les lunettes qui sont sur notre nez. Par l’ignorance, nous l’avons oublié. L’intuition métaphysique nous fait retrouver la conscience de notre vraie nature. C’est ce que l’on appelle le sphoṭa, l’éclatement de la conscience limitée. À ce moment-là vous basculez dans un autre état de conscience, l’état de turīya, le quatrième état. Pour certaines grandes âmes, le basculement est immédiat et définitif (Rāmaṇa). Pour le plus grand nombre, cette réintégration de conscience se fait par étapes successives. Et alors seulement commence la vraie vie spirituelle.

 

Lorsqu’elle est achevée, alors il est possible de dire : ahaṁ brahma_asmi = “Je suis Brahman”.

Et le mantra cité en tête prend sa pleine signification. Il affirme la Réalité ultime comme trame omniprésente de l'univers entier. Nous passons alors du mode négation, neti-neti, au mode affirmatif, iti-iti.

 

Souvent, en Occident, les métaphysiciens hindous sont perçus comme des êtres à l’esprit ascétiques, de purs esprits coupés des réalités du monde et souvent incapables d’ouvrir leur cœur. Ceci est une méconnaissance du jñāna yoga ainsi que de la nature humaine. Tout être humain possède une tête et un cœur. L’harmonie, l’équilibre ne peuvent s’épanouir que lorsque ces deux dimensions sont judicieusement nourries. On ne peut marcher sur une seule jambe. Śaṅkara, Vivekananda, Rāmaṇa, Sw. Siddheswarananda en sont de parfaits témoins.

 

Il est impossible de définir par le langage humain para-tattva, la Réalité ultime (satyam). La meilleure approximation qui en a été présentée dans les upaniṣads est :

sat-cit-ānanda = Être, Conscience pure, Félicité.

Ce dernier terme ‘Félicité’ est imprécis. la racine verbale nand- = se réjouir. ā-nand- = être pleinement heureux. ānanda = plénitude du cœur et de l’esprit (= pūrṇam).

De même que la molécule H2O est la matière première de la glace, de l’eau et de la vapeur, de la même façon ānanda est la matière première de toutes les expressions de l’amour. C’est là le sens de l’enseignement célèbre donné dans la Bṛhadāraṇyaka-up. par le sage Yajñavalkya à sa femme Maitreyī. Toutes les modifications de l’amour ne sont recherchées que parce qu’elles évoquent leur essence, le pur Amour - ānanda.

De ce pur Amour, nous avons la certitude intuitive de son existence car notre corps causal en porte un reflet. Et c’est cette certitude intuitive qui éveille notre quête intérieure (la quête du Saint Graal = quête de l’Âtman).

 

Quelques exercices de méditation selon l'advaïta-vedanta :

1° - méditation selon Rāmaṇa Maharshi. Qui est le “je” ?

2° - méditation sur l’essence des choses (ānanda, cit, sat),

3° - méditation sur le Temps, Bh-G XI-32 “kālo ’smi” = Je suis le Temps (l'essence même du Temps dont les durées ne sont que des modifications).

4° - méditation sur la lumière de Brahman, dans le cakra du cœur (pralaya, gāyatrī)

 

Toutes ces techniques semblent difficiles car elles sont impersonnelles. Les êtres humains dans leur très grande majorité ressentent le besoin d’un anthropomorphisme.

Gītā XII-5. “L'effort est plus difficile pour ceux dont l'esprit s'attache au Non-manifesté. En vérité, la voie du Non-manifesté est maitrisée à grand peine par ceux qui sont incarnés”.

 

Aussi, les anciens proposent-ils aux chercheurs une autre voie, celle du Néo-vedanta. C'est la voie conseillée par Rāmakṛṣṇa, Vivekānanda, la quasi-totalité des moines de la Mission Rāmakṛṣṇa ainsi que des moniales de l’ordre de Saradā Devī.

De quoi s’agit-il ?

Rāmakṛṣṇa et Vivekānanda ont tous les deux fait l’expérience du nirvikalpa-samādhi, l’achèvement du jñāna-yoga. Ce n’est pourtant pas cette voie qu’ils ont conseillée au plus grand nombre. Ils ont conseillé un mixage des 4 principaux yogas, jñāna, bhakti, karma et rāja-yoga. Jñāna et bhakti ont déjà été évoqués. Le karma-yoga est indissociable de la vie elle-même pour tout être incarné. C'est là le principal thème de la Bh-G. (II, 1 - 35). À moins d’être absorbé en nirvikalpa samādhi, personne ne peut vivre sans être impliqué dans l’action (karma-yoga) et, la pratique de la méditation, le rāja-yoga, est indispensable pour tout aspirant à l'harmonie intérieure. Śrīkṛṣṇa nous le dit dans la Bh-G (II-66) : “Sans yoga, pas de méditation; et pour qui ne médite pas, point de paix (śānti) et sans paix, pas de bonheur”. Ainsi donc la vie même nous conduit à pratiquer les 4 yogas.

 

Il importe peu de suivre tel ou tel autre chemin, tous les fleuves se jettent dans le même océan.

Pour en prendre conscience, il faut être proche de l’embouchure et sentir l’air marin iodé. Parabole soufie : Deux amis souhaitent gravir une colline à la nuit tombante. L'un suit un sentier, le second un autre chemin. Ils arrivent en haut à la nuit tombée et, là, ils découvrent le même paysage, éclairé par la même lune.

 

Bh-G. : VII, 21-22 “Quelque forme qu'un dévot souhaite adorer avec foi, à chacun J'inspire cette foi inébranlable.

Plein de cette foi, il aspire à la faveur de celle-ci et il obtient ainsi ses désirs, ceux-ci, en vérité, étant exaucés par Moi seul”.

 

En ce qui concerne l’ashram de Gretz, sous la direction de ses quatre responsables qui se sont succédés, celui-ci est resté dans l’impulsion de son fondateur,
le Sw Siddheswarananda qui disait :

“Je ne suis pas venu pour hindouiser l’Occident, ceci n’aurait aucun sens, ce n’est pas la pensée de Rāmakṛṣṇa. Je ne suis pas venu en Occident vous parler de bhakti, vous avez tout ce qu’il vous faut. Je suis venu vous parler de métaphysique car vous n’avez pas l’équivalent du vedanta”.

Pour lui, le vedanta repose sur la Māṇḍūkya-up. ainsi que les commentaires de Gaudapada et Śaṇkara. Il attachait aussi la plus grande importance à l'enseignement de Rāmaṇa Maharshi.

 

 

 

Exercices pratiques de méditation selon le jñāna-yoga :

 

A- Première pratique de méditation

- Méditation selon Rāmaṇa.

Expérience de la mort. Dans la Kaṭha-up., Nachiketas vient voir Yama et lui dit : ‘Chaque jour, nous voyons des personnes qui meurent autour de nous mais je ne peux pas croire que je vais mourir. Quelle en est la raison ?’. Nous pouvons imaginer tout un spectacle avec plein de personnes autour de notre cercueil, de belles paroles, des chants mais notre ‘Je’ demeure.

 

La grande expérience d’éveil de Rāmaṇa est l’expérience de la mort imminente. La mort est arrivée, l’univers phénoménal a disparu pour moi, le corps physique est tombé, le corps subtil se décompose, que reste-t-il ? Une Pure-conscience de Lumière.

 

Dans le cakra du cœur, avec le dos bien droit, les paumes ouvertes, on visualise la lumière. On se pose la question : qui suis-je, qui est le Témoin ? Dans toute perception, existe un processus duel. L’objet n’est pas le Témoin, nous ne sommes pas l’objet. On rejette les objets extérieurs, puis les objets intérieurs, telles les pensées, les sensations, les émotions, les pelures de l'oignon sont ôtées (neti-neti) jusqu’à ce que l'on parvienne au vide (vacuité, śunyatā) qui conduit à sphoṭa, l'éclatement de la conscience, l'intuition métaphysique.

 

B - Pratique du sacrifice intérieur

 

- Offrande intérieure. Habituellement, dans notre introspection, nous faisons consciemment ou inconsciemment un classement entre ce que nous estimons être bon ou moins bon en nous. Et nous cachons le plus soigneusement au fond d’un tiroir ce qui ne nous plaît pas. Ceci est une erreur psychologique grave. Il faut s’accepter tels que nous sommes et offrir à notre idéal non pas uniquement le bon mais la totalité de ce que nous sommes.

- Toujours dans le cakra du cœur. Méditons sur la lumière de Brahman avec Om, anhata-śabda-brahman (le Divin en tant que Son éternel), le corps, les pensées, tout est déposé en oblation dans cette lumière, ainsi qu’il est pratiqué par le hotṛ durant le homa. Tous les souvenirs, bons ou mauvais ainsi que toutes les espérances sont déposées dans la lumière. Ceci est le sacrifice intérieur. Sur l’océan infini de la lumière vibre le son Om.

Pour le rājayogin, les deux attributs de Brahman sont la lumière et Om. Le cœur se dilate alors jusqu’aux confins de l’univers. Vous êtes dans la paix, śānti, et dans la plénitude Pūrṇam. Vous quittez la durée, vous êtes dans l’Être.

 

 

 

Bibliographie : (titres disponibles en langue française, ou anglaise)

Commentaires de Śaṅkara sur les upaniṣads, les Brahma-sutras, la Bh-Gītā et ses écrits personnels : Âtmabhoda, Viveka-cūḍā-mani, etc
mais aussi Dṛg-dṛśya-viveka (anonyme), Pañca-daśī (Vidyāraṇya 1314 - 1381), Vedanta-sara, Uddhava-gītā, Avadutta-gītā, Aṣṭavakra-gītā, tous les écrits du Swami Siddheshwarananda (en particulier ses commentaires sur la Māṇḍūkya-up.).


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