Swami Veetamohananda

Swami VEETAMOHANANDA

La méditation, qui se dit dhyana en sanscrit, est le maintien d’un courant stable d’une même pensée sur un objet unique à un niveau supérieur du conscient.

« Tatra pratyaya ekatanata dhyanam » « Le maintien d’une seule et même vague de pensées à un niveau de conscience déterminé, c’est cela la méditation. » La seule pensée d’un objet n’est pas la méditation. Penser n’est que la manipulation d’une série de vagues de pensées, Patanjali les appelle vrittis ou pratyayas.

Le mental a deux tendances : une tendance naturelle qui est de se déplacer constamment d’une vague de pensées à une autre. Cette tendance du mental à se saisir de différents objets est appelée dispersion – sarvarthata. Dans la seconde tendance, le mental peut se fixer sur un seul objet, se concentrer. La méditation – dhyana – est une concentration consciente du mental.

Patanjali précise cinq conditions pour qu’un aspirant puisse s’établir en dhyana :

Premièrement, il doit avoir la foi – shraddha – foi dans le but suprême de la vie et foi dans la possibilité de l’atteindre.

Deuxièmement, il doit posséder l’enthousiasme et l’énergie produits par l’exercice continu du pouvoir de la volonté.

Troisièmement, il doit être aidé par une mémoire fidèle – smriti,

Quatrièmement, par une immersion dans la concentration

Cinquièmement, par la conscience du Soi.

Pour conserver un courant constant de la même pensée, il est important de posséder une mémoire ferme. Cependant, la méditation n’est pas un processus ordinaire de mémorisation. En général nous nous souvenons de nombreuses choses. Et certaines personnes ont une merveilleuse mémoire. Mais, il est difficile de garder une mémoire ferme en établissant le mental sur une seule idée et c’est ce que nous devons développer pour méditer.

Une mémoire normale se souvient des expériences passées. Se souvenir, c’est rester dans le passé. Nous passons beaucoup de temps, dans la vie de tous les jours, soit à nous rappeler le passé, soit à imaginer l’avenir. Le présent est tellement fugace que, aussitôt qu’une expérience survient, elle fait déjà partie du passé. Méditer n’est pas se souvenir du passé, c’est maintenir la mémoire du présent. Ce n’est pas non plus essayer d’empêcher le présent de glisser dans le passé, dans l’oubli. C’est fixer le processus de la mémoire tout entière sur le moment présent.

Des aspirants regardent la représentation d’une Divinité, puis ferment les yeux et essayent de se souvenir de ce qu’ils ont vu. Cette action amène seulement à mémoriser un événement passé. Elle rend la méditation mécanique, répétitive. Elle fatigue les nerfs et ouvre la porte à tous les souvenirs du passé. C’est pour cela que l’aspirant ne progresse pas, même après des années de pratique !

La véritable méditation est la rencontre directe avec une image consciente. Lorsque vous voyez votre bien-aimé face à face, vous vivez avec lui dans le présent. Pour que la méditation ressemble à cela, nous devons regarder dans notre cœur et y « voir » directement une image vivante. Cela ne devient possible que si nous sommes capables de concentrer la lumière de notre conscient dans les profondeurs de notre cœur. C’est là que nous pouvons observer constamment les mouvements de nos pensées, conserver la conscience de nous-même.

Les débutants peuvent éprouver des difficultés. C’est pourquoi il leur est conseillé de pratiquer en premier la prière et l’adoration. Ce sont des actes qui n’ont de sens que dans le présent. La prière ne peut pas glisser dans le passé sans que vous vous en aperceviez. Aussitôt que l’inattention survient, elle s’arrête. La prière spirituelle demande, en effet, un effort intense pour s’établir dans l’instant présent. Même lorsqu’elle est dite à un Être inconnu, elle vous fait vivre dans le présent. L’adoration rend cet Être plus réel et vous devenez capables de rester plus longtemps dans le présent. Lorsque cette rencontre dans le présent, entre l’âme et l’image, est intériorisée et intensifiée, elle devient la méditation.

Ainsi, la véritable méditation est un acte qui ramène toujours le mental dans le présent. De plus, elle est le mouvement d’un courant constant de la conscience du « moi » – qui est le sujet – vers l’image mentale – qui est l’objet. Lorsque ce mouvement, ou cette impulsion, devient stable – et vous l’avez peut-être observé pendant nos séances de méditation guidée – l’objet ne change plus. Il prend naissance dans le soi individuel et se fixe sur l’objet. Cette impulsion du soi individuel est la volonté. Il est vrai que lorsque nous essayons de méditer, des souvenirs affluent dans le mental et nous nous sentons impuissants à cet égard. Cependant, c’est bien nous qui permettons au mental d’errer de cette manière. Et en éduquant la volonté à fixer le mental sur un objet, l’image intérieure deviendra constante.

C’est ainsi que nous limiterons notre mémoire au présent. Et c’est cela la méditation.


Une notion populaire dit que méditer, c’est vider le mental en le purgeant de toute image. En réalité, méditer signifie maintenir constante une pensée unique, même si vous pouvez appeler cela « vider le mental ». La suppression complète de toutes les pensées n’existe que dans le sommeil profond et dans quelques rares formes supérieures d’absorption, telles que le samadhi. Pour cela, le mental doit devenir libre de tout objet et objectiver la tendance du mental. Si une personne essayait de supprimer toutes les pensées sans acquérir la pureté et la puissance spirituelle, le résultat serait, en général, une sorte de sommeil ou de stupeur hypnotique. C’est sur ce point que Swami Vivekananda nous dit :

« Lorsque des personnes essayent, sans en avoir été instruites et préparées, de vider leur mental, elles ont toutes les chances de ne réussir qu’à se couvrir de tamas - l’ignorance matérielle - qui rend le mental terne et stupide et les conduit à penser qu’elles font le vide dans leur mental. »

La méditation sur le sujet, le « moi », est appelée aham graha upasana dans le Védanta. Mais le sujet, ici, est le soi empirique – la réflexion ou l’image de l’atman véritable – le Soi universel. L’existence du soi individuel est flagrante et elle n’a certainement pas besoin d’être démontrée. Mais sa nature réelle, en tant qu’atman, n’est pas évidente parce que le pur atman ne peut jamais devenir l’objet de la méditation. Dans le samadhi, lorsque toutes les vagues de pensées sont calmées, le pur atman brille de sa propre lumière. L’introspection est une voie directe et comme telle n’est pas un processus méditatif.

Il arrive aussi que, parfois, nous entrions dans un état de conscience dans lequel le mental devient calme et vigilant. Nous ressentons fortement un profond silence intérieur. Chaque mouvement, chaque pensée nous apparaissent frais et significatifs. Cela survient lorsque le mental ne s’arrête pas sur une image particulière. Il observe calmement les pensées aller et venir – comme des nuages dansant dans le ciel. Nous pouvons tenir pour certain que c’est là vivre dans le présent. Nous sommes alors capables d’observer le courant silencieux de la vie sans être entraînés par la force de son courant. Dans cet état, le soi individuel devient conscient du mental tout entier, plutôt que d’un objet ou d’une image. Comparons cela à un poisson qui devient soudainement conscient de l’eau dans laquelle, auparavant, il n’avait remarqué que d’autres poissons, des vers, des plantes, etc. Maintenant, il est là dans l’eau, glissant silencieusement de toutes ses nageoires. C’est cette sorte de calme cultivé consciemment qui convient pour la méditation.

Certains aspirants parviennent à cette conscience méditative grâce à l’amour qu’ils portent à leur Divinité bien-aimée. Ils pensent à Elle avec tellement d’amour que leur être tout entier vibre de cette pensée unique comme un instrument de musique qui produirait un son unique et continu. Il n’y a plus aucune place pour une autre pensée, seule est là la présence vivante de la Divinité attachée à l’instant présent.

Ainsi, dans la méditation véritable, le mental devient comme une corde de violon tendue entre le soi et l’objet. Elle vibre dans le moment présent, produisant dans la conscience des mélodies toujours renouvelées.


Le mental de l’homme est la plus grande merveille de tout l’univers. Toute la connaissance, tout le mystère de l’univers sont cachés dans ses profondeurs. Il est important que nous comprenions comment il fonctionne.

Premièrement, le mental n’a rien d’un ordinateur que nous pourrions manœuvrer comme bon nous semble. Il est venu à nous tout fait et il a commencé à nous influencer bien avant que nous soyons conscients de son fonctionnement. Le mental individuel n’est pas une unité isolée. Il est une partie du vaste mental cosmique et il fonctionne en accord avec certains principes universels. Il reçoit l’impulsion de l’énergie cosmique appelée prana.

Écoutons Swami Vivekananda :

« Tous les mentals sont identiques, ils sont les différentes parties d’un mental unique. Celui qui connaît une motte d’argile connaît toute l’argile de l’univers. Celui qui connaît et contrôle son mental, connaît le secret de tous les mentals et il a pouvoir sur chacun d’eux ».

Deuxièmement, le fonctionnement du mental est fondé sur des lois cosmiques. Le système du yoga de Patanjali qui codifie la science du mental est reconnu dans le monde entier et suscite un grand intérêt. Il ne serait pas exagéré de dire que le XXI° siècle sera plus préoccupé par la science du mental que par celle de la matière.

Essayons de comprendre les cinq principes fondamentaux du yoga.

1. Le premier principe est la conscience. Elle appartient à notre Soi véritable. Dans le Védanta, le Soi est appelé purusha, atman, jiva, etc. Tout le reste – l’univers matériel dans son entier et chaque mental individuel – appartient à prakriti. Prakriti n’est ni une substance matérielle, ni une substance mentale. Elle est la substance primordiale non manifestée. Notre mental et toutes les autres matières sont des manifestations de prakriti. Prakriti n’a pas de conscience, mais elle n’est ni morte ni inerte. Elle est un pouvoir inconscient qui anime l’univers tout entier. Elle n’est pas lumineuse par elle-même. Elle n’est connue que lorsque la lumière de purusha tombe sur elle. À l’inverse purusha, ou atman, est lumineux par lui-même, il est la luminosité même.

La distinction entre le conscient et l’inconscient est très importante pour la vie méditative. Seul le Soi est conscient, et ne pas connaître cette vérité fait de toute activité mentale et physique une activité inconsciente. Oui, vous pouvez dire que la circulation du sang, la digestion, l’assimilation de la nourriture et les autres activités physiologiques se poursuivent sans notre conscience. Une grande partie de notre vie mentale se fait automatiquement. Mais si cet automatisme est aussi amené dans la méditation, comment pourrons-nous alors espérer la maîtrise de nous-même, de nos émotions, de nos instincts et de notre mental ?

Plus nous nous établissons dans le Soi, plus nous devenons conscient. Et plus nous devenons conscient, plus grand est notre contrôle sur nos pensées et sur nos actions. Cette sorte de conscience du Soi est essentielle dans toutes les activités de notre vie. Le Soi est la demeure de la conscience. Nous devons nous ouvrir et permettre à la conscience de s’écouler, non seulement dans les activités du mental, mais aussi dans chaque activité de notre vie. À mesure que le mental devient pur et clair, la lumière du Soi se manifeste avec plus d’intensité en même temps que la conscience du Soi et la maîtrise se développent.


2. Le deuxième principe de la psychologie du yoga nous dit que la connaissance est le résultat d’une modification du mental. Pour connaître un objet, le mental prend la forme de cet objet. Cette modification du mental est appelée vritti en sanskrit.

La connaissance est la relation entre le soi individuel et l’objet. Le pur atman, le Soi, ne peut pas connaître un objet. Le mental doit intervenir entre lui et l’objet, c’est-à-dire qu’il doit prendre la forme de l’objet. Lorsque la lumière de l’atman tombe sur cette modification du mental ou vritti, il en résulte la connaissance.

Les vrittis peuvent être de différentes sortes. Par exemple, lorsque nous regardons un arbre, le mental va vers lui et prend sa forme. C’est ainsi que nous connaissons l’arbre. Si vous fermez les yeux, le mental reproduit l’image de l’arbre et c’est ainsi que vous vous en souvenez. Et c’est ainsi également que ce que nous appelons la vie, ou l’existence, est formé de mondes dans les mondes. Exactement comme un arbre est un univers physique extérieur, il existe des mondes intérieurs subtils. Lorsque le mental est projeté vers un monde intérieur, nous sommes amenés à les connaître tous. Toutes ces modifications appartiennent au mental et à lui seul, elles sont appelées des vrittis.

Il ne peut y avoir de connaissance sans les vrittis. Dans le sommeil profond, le mental n’en produit pas et en nous éveillant, nous disons : « je ne savais rien ». Mais, même pendant le sommeil profond, un type particulier de vritti existe. Ce sommeil est un état dominé par tamas et il est appelé nidra vritti. Ce n’est que dans l’état de superconscience – le nirvikalpa samadhi – que le mental est absorbé dans le Soi et que seul l’atman existe. C’est l’état de pure existence. Toutes les sensations d’émotions ou de visions spirituelles, toutes appartiennent aux modifications du mental.

Alors qu’est-ce que la connaissance véritable ? Elle s’appelle prama en sanscrit. La fausse connaissance s’appelle bhrama. Une vague de pensées qui produit la connaissance vraie est appelée pramana et celle qui produit la connaissance erronée est appelée viparaya. L’attachement, la haine, la peur et les autres émotions, tout cela est causé par la fausse connaissance.

Vous pouvez dire que les idées abstraites comme la bonté, la beauté, l’infini, etc. sont des modifications du mental. C’est vrai ! Les idées abstraites comme l’énergie pure, la luminosité, etc. ne contiennent aucun objet. Malgré cela, elles ne sont pas mauvaises, mais servent notre propos pratique. La vague de pensées qui produit cette connaissance abstraite est appelée vikalpa. Lorsque vous vous installez pour la méditation et essayez de visualiser un dieu, votre connaissance n’est pas « vraie » parce que, en réalité, vous ne voyez pas votre dieu. En même temps, elle n’est pas fausse non plus, parce que votre imagination n’est pas quelque chose qui n’existe pas. Chaque fois que vous méditez, souvenez-vous de vos imaginations précédentes ! Lorsque votre méditation s’intensifie, l’imagination se transforme en connaissance véritable avec la vision directe de votre Divinité.

Cette connaissance véritable de la Réalité au-delà des sens est le but de la méditation.


3. Troisièmement, le mental a des niveaux différents. Chaque niveau ou étage a ses propres vrittis. Les vrittis qui sont dans les niveaux extérieurs sont grossiers et reliés à des objets extérieurs. La tendance spirituelle, l’intuition poétique ont leur origine dans des niveaux supérieurs.

Les vrittis subtils appartiennent à des niveaux profondément internes et l’on y connaît des vérités suprasensibles du monde spirituel. La majorité des gens n’est consciente que des formes grossières de la pensée. C’est seulement en plongeant profondément dans le monde suprasensible que l’on devient conscient des vagues de pensées subtiles.

Nous avons dit que la connaissance est la réflexion de la lumière de purusha – ou atman – sur les vrittis. Les vrittis grossiers réfléchissent très peu de lumière, et très peu de conscience du Soi y est associée. Les vrittis subtils reflètent beaucoup plus de lumière. Les images qu’ils produisent sont très brillantes et une grande conscience du Soi leur est associée. C’est pour cette raison qu’une image mentale, une forme divine, est utilisée dans la méditation. Ainsi, l’aspirant devient plus proche de l’atman et voit de plus en plus sa lumière. C’est ainsi que nous produisons les vrittis suprasensibles qui conviennent.

Il existe une relation constante entre le mot et la connaissance. En général, nous ne pensons pas aux mots. Analysons ceci : lorsque vous vous éveillez d’un sommeil profond, vous pouvez, par exemple, voir votre mère debout devant vous. La première expérience est simplement une sensation de perception. Votre deuxième expérience est de reconnaître. Reconnaître est le résultat d’une pensée. Et penser nécessite l’usage de mots : la reconnaissance de votre mère vient du mot « mère ». De même, lorsque vous entendez ou murmurez en vous-même ce mot « mère », l’image de votre mère s’élève dans votre mental. Depuis l’enfance, nous nous sommes ainsi associés à des noms d’objets ou de formes et nous ne pouvons plus penser sans les mots. Donc, la relation entre les formes et les noms est continuelle. La connaissance est le résultat d’une formulation intérieure de mots.

Dans la méditation, nous utilisons des formules spéciales appelées des mantras. Les mantras sont différents des mots ordinaires. Le mot ordinaire n’a qu’un sens limité. Alors que lorsque nous répétons un mantra, il amène à notre mental l’aspect divin ou la Réalité. De plus, les mantras sont des états de vibration qui éveillent graduellement le pur vritti subtil qui révèle la Réalité.

Nous avons dit aussi que la méditation est le maintien d’un vritti unique, ce qui signifie le maintien du courant d’une pensée unique harmonieuse d’où tous les autres noms et formes sont exclus.

4. Quatrièmement, chaque expérience abandonne derrière elle une impression appelée samskara qui a le pouvoir de reproduire ce vritti. L’inconscient est le réservoir d’innombrables samskaras. Ces impressions latentes surgissent constamment dans nos désirs, nos émotions, nos souvenirs et nos idées. Cela crée des dommages dans le mental. C’est pourquoi nous trouvons difficile de conserver un seul vritti pendant la méditation. Mais alors comment déraciner tous ces samskaras ? Cela ne peut se faire que par la lumière supérieure ou illumination spirituelle. Ou encore par des disciplines spirituelles comme la répétition de mantras, etc.

5. Le cinquième principe fondamental de la psychologie du yoga est la modification continuelle du mental qui ne peut jamais être arrêté complètement.

Tout dans l’univers, mis à part le Soi, est toujours sujet à des changements continuels.

Méditer signifie donc rester établi dans l’harmonie infinie – rtam.


 

en méditationLa méditation selon le Védanta, selon la pensée hindoue, est la répétition d'une formule sacrée. En général, c'est une petite phrase avec salutation à l'idéal choisi comme celle-ci : Je salue Shiva. Je salue Krishna. Je salue le Brahman Suprême. Le rôle du mantra est toujours de permettre de se concentrer sur son idéal, la signification du mot lui-même et du son émis étant secondaire. Ainsi, il est utilisé comme répétition et non pour méditer sur le sens de chaque mot.
Dans cette répétition, on mettra tout son amour, sa pensée, sa volonté. Progressivement, on entrera complètement dans une concentration telle que toute conscience du monde extérieur sera écartée. Une concentration intense qui peu à peu pourra prendre la forme du commandement de Jésus pour l'amour du Seigneur : « Vous aimerez le Seigneur, votre Dieu, de tout votre esprit, de toute votre âme. »
Ainsi, le japa, la répétition du nom du Seigneur, n'est pas une activité machinale, mais une activité très intense avec une concentration profonde. Évidemment, cela peut être très dur au début, mais, par la pratique, cela devient plus facile et naturel. La préparation faite avant le japa aidera aussi fortement. Si, émotivement, on peut établir une relation d'amour avec son idéal choisi, le japa sera facilité par cette relation personnelle. Celle-ci peut paraître imaginaire au début, mais elle sera plus sensible par la suite, plus réelle. Il faut répéter le mantra doucement, en se concentrant. Entre deux répétitions, on doit observer un intervalle afin d'entraîner l'esprit à dépasser tout ce qui est du domaine de la pensée. On essaiera ainsi d'accéder au domaine spirituel où même la pensée n'a pas le droit d'entrer. Le mental doit être parfaitement calme, comme s'il n'existait plus.

S'il est bien fait, le japa peut être comparé à l'écoulement régulier, homogène, de l'huile versée d'un vase à un autre. Ainsi sera établie une forte relation entre Dieu et soi-même. La concentration sera fixée sur un point de notre corps. Ce peut être le cœur. Mais le cœur dont il s'agit n'est pas le cœur physique. Il se situe au centre de la poitrine, à trois centimètres au-dessus de l'estomac, à la hauteur du sternum, entre la colonne vertébrale et le sternum. On se concentre parfois sur un point entre les sourcils. Dans cette forme de concentration sur un point du corps, il y a des réactions physiques ou psychiques, comme des douleurs. À ce moment-là, on peut interrompre la concentration sur ce point et la fixer sur un point situé hors du corps, ce qui écartera les douleurs. Commencer le japa sur une forme spirituelle est toujours facile. Après quelque temps, on pourra méditer sur les attributs. Mais le but à atteindre est de transcender tous les noms, toutes les formes et tous les attributs.
C'est ainsi que l'on doit faire le japa. Il est bon d'y consacrer vingt minutes ou une demi-heure.
On peut aussi se concentrer sur la forme d'une Incarnation divine, ou bien sur un grand maître spirituel. On peut encore méditer sur la présence du Seigneur en tous les êtres. Il y a aussi la méditation sur le Seigneur au-delà des formes et de toute description, esprit divin résidant dans tous les cœurs. Elle est difficile à pratiquer. Ces différentes formes de méditation sont bonnes, elles aident à dépasser la conscience du moi.


Le Mantra :
Om kâram bindu samyuktam nityam dhyâyanti yoginah Kâma-dam moksha-dam chaiva Om kârâya namo namah.
Les yogis méditent constamment sur la syllabe Om composée des sons O et M.
Cela, Om, comble tous nos désirs et mène à la libération.
Salutations encore et encore à ce symbole Om.
L’Inde apporte de précieux enseignements. Vous connaissez l'image de Shiva dansant. Il n'y a pas de danse de Shiva en Occident. C'est une contribution unique de l'Inde. Parmi les beaux fruits qui vous parviennent de l’Inde, son enseignement spirituel en est un. Il en est ainsi du mantra.
On ne saurait dire à quelle époque remonte la découverte de la puissance du mantra. Il a toujours été là, reconnu comme le moyen le plus efficace des disciplines religieuses hindous. On parle des Védas. Ils sont au nombre de quatre et, parmi les Écritures sacrées de l'hindouisme, ils sont fondamentaux. On les a traduits pour faciliter la compréhension, mais les hindous eux-mêmes n'essaient  pas de comprendre la traduction des Védas. C’est avec une grande attention qu’ils s'efforcent de les chanter en observant le son exact, l'intonation juste, le rythme et la modulation traditionnels. C'est  une loi qui ne doit pas être transgressée. On croit que réciter les Védas, sans respecter les règles établies, attire la malédiction.
Il y a partout en Inde des écoles fréquentées par des élèves qui apprennent à chanter et à moduler très exactement les textes sacrés en sanscrit, tels qu’ils l’ont toujours été. Le chant des Védas est auspicieux ; il apporte le bien. C’est ainsi que commence la tradition du mantra et de sa répétition.

Il y a quelques années, j'ai  rencontré un prêtre qui chantait des textes védiques ; je lui demandais qu'elle en était la signification. Il ne la connaissait pas. « On nous a appris à chanter très exactement, répondit-il, je ne sais pas ce que signifie les paroles. » J'ai  pensé avec étonnement qu'il chantait comme un perroquet, mais maintenant j'apprécie  mieux ce qu'il a voulu dire : le chant est par lui-même ce qu'il y a de plus important.
En Inde toutes les cérémonies comprennent des chants védiques. C'est  une tradition si ancienne, si répandue et si attachante que même chez les bouddhistes il y a toujours un prêtre qui vient chanter un texte sacré. La croyance veut que la récitation des chants védiques suffit à assurer le bien de toute la maison. Sri Krishna dit dans la Bhagavad Gita  : « Je suis le grand Sama. » Le Sama est un Véda chanté toujours avec des modulations particulières.
Les hindous croient que l'on  peut se purifier du péché par la méditation sur le mantra, être libéré et atteindre la béatitude. C'est  le salut. Donc, celui qui peut apprendre un mantra aura tout.


Mantra est un mot composé de deux syllabes : man, activité mentale de la méditation, et tra, qui sauve, qui donne le salut, la libération. Le mot par lui-même signifie donc que le salut est certain pour celui qui médite sur le mantra. Il faut le recevoir d'un maître qui en apprend le son traditionnel à son disciple. En lisant ou en écrivant un mantra, on en obtient pas le bienfait parce que toute sa valeur réside dans le son. Et Swami Ramakrishnananda a bien précisé que le son du mantra n'est pas reçu de loin mais de près, de bouche à oreille. Il doit être entendu et bien appris. Dans la cérémonie de l'initiation, telle qu'elle était célébrée autrefois en Inde, le mantra était reçu dans l'oreille, le disciple étant complètement enroulé dans un drap.
Un mot, tel qu'il est utilisé dans la conversation, est composé de lettres. Chaque lettre est le symbole d'un son. En prononçant des lettres on entend les sons, on se souvient d'un mot, on le comprend. Le mantra est autre chose. Même les mantras qui sont simples dans leur forme produisent des effets différents, parce qu'un mantra est composé de certaines lettres choisies par le maître et disposées dans un ordre particulier pour produire un certain assemblage de sons. Quelquefois, les termes du mantra peuvent avoir une signification : d’autres fois il n'en est pas ainsi, quand seul le son est important. Les lettres ne représentent que des symboles. L’effet du mantra n’agit pas sur le plan de la raison. Donc, la lecture d'un mantra sur une feuille de papier ne produira pas de grands résultats. Il faut entendre le mantra prononcé par un maître qui l’a lui-même répété pendant longtemps. La connaissance acquise par la répétition du mantra s'étend bien au-delà du plan de la raison. Elle est, dit-on en Inde, dans la conscience profonde.
On peut demander pourquoi attribuer une si grande valeur au son. Le Védanta enseigne que la seule réalité, Brahman, existe derrière le monde entier. Brahman a eu l’idée de créer le monde ; c’est ce que nous disons pour l’expliquer. Tout ce que nous voulons faire, nous le pensons tout d’abord, puis cela devient action. La pensée est reliée au mot, et le mot au son. Ainsi ondit qu’avant la création, il y avait shabda-brahman, décrit comme le son. Cette idée appuie fortement celle de la création par le son. shabda est le son. Nataraja, Shiva dansant, tient un petit tambour dans sa main. Le tambour produit un son beaucoup plus fort que celui d'un piano ou d'un autre instrument de musique. Le tambour dans la main de Nataraja signifie le son, la création. Cette image représente le Créateur, le Protecteur et le Destructeur. C'est le Seigneur.
Le son Aum est très important pour les hindous. Sri Aurobindo en a donné une explication intéressante, disant que le Pasteur divin, c'est-à-dire Dieu, devient lui-même le mantra Aum.


Quand la pensée, dirigée vers Dieu, devient effective, la lumière de l'être s'exprime par elle-même. C'est Cela qui révèle la splendeur dans le mot, le secret de la pensée et qui conserve le rythme. L'homme répète le rythme de l'Éternel ! Ce qui illumine, c'est Dieu lui-même. Les Écritures disent : C'est ce qui est connu par les Védas. Le mantra de la conscience divine apporte la lumière de la révélation.
Le mantra de la puissance divine apporte la volonté d'effectuer.
Le mantra de la béatitude, ananda, apporte l'accomplissement de la joie spirituelle de l'existence.
Tous les mots et toutes les pensées proviennent de l'écoulement des vibrations du grand son Aum qui est Brahman, l'Éternel.
Derrière la manifestation des formes et des objets sensibles, derrière le jeu continuel de ce qui est conçu en soi, dont les formes des objets sont des figures, derrière la manifestation de la supra-conscience et de la puissance de l'Infini est Aum... source souveraine des germes et des matrices, des choses et des idées, des noms et des formes. Aum est lui-même intégralement l'Unité suprême, intangible et originelle, existant par soi-même, hors de toutes les manifestations. Les Védas ont été considérés comme des mantras et même certaines parties du Véda sont appelées des mantras. Cela signifie qu'ils doivent être répétés ; le mantra ne dépendant pas tellement de sa signification, mais du son produit par sa répétition.
L'idée du son Aum exprimant le Brahman suprême se trouve également dans la Mandukya Upanishad, dont le texte assez court a reçu une grande karika (commentaire) écrite par le philosophe Gaudapada, et sur laquelle Sri Shankacharya a composé des commentaires très connus.
Cette Upanishad explique comment Aum représente Tout, c'est-à-dire comment la répétition de Aum est le grand mantra.
La Katha Upanishad, la Mundaka Upanishad et d'autres textes disent de se concentrer sur Aum. Sri Aurobindo a fait comprendre que Aum représente tous les Védas, toute la création et Dieu lui-même. En ayant cette connaissance, en sachant que Aum représente Dieu, en méditant sur Aum, on peut atteindre l'état de supra-conscience, de réalisation directe et de communion avec le Seigneur.


Swami Vivekananda a longuement parlé de la méditation sur Aum dans le bhakti-yoga et d'une manière plus étendue encore dans le raja-yoga. Il a expliqué que le pravana (syllabe mystique) Aum représente tous les mots et tout ce qui existe dans l'univers. Ainsi nous allons de la création au Créateur, c'est la voie suivie par les dévots.
Le mantra a pris de plus en plus d'importance, probablement à l'époque de l'Atharva-Véda, en servant dans les incantations pour demander la réussite des affaires mondaines, la victoire, la destruction des ennemis, la possession, le succès de certaines actions magiques. Mais la science du mantra ne s'y est pas développée autant que dans les tantras où le mantra est partie intégrante du culte offert aux différentes divinités. L'école du tantra est importante dans la religion hindoue, parce qu'elle a donné la forme du culte qui est plus ou moins celle adoptée partout en Inde. D'autre part, la philosophie du tantra est satisfaisante, le yoga du tantra est mis en pratique et tous les rites en vigueur actuellement sont ceux du tantra.
Si Dieu est Un, seul et unique — Brahman selon les Upanishads — que signifie les différentes divinités ?
Dieu est un, mais il est adoré en diverses formes qui représentent les divers aspects du divin. En pensant au Seigneur d'amour, on médite sur Sri Krishna ; cette idée est fortement établie dans la tradition ; en pensant à la sagesse, on médite sur Sarasvati ; pour la puissance, on médite sur shakti ; pour le succès, sur Ganesha ; pour la prospérité, sur Lakshmi ; pour la bonté, sur Shiva.
Méditer sur Dieu sans forme, dont la nature est si diverse, éternelle et infinie, n'est pas facile pour tous ; ceux qui ne sont pas des ascètes ont une sorte d'attraction qui les attache au monde ; le mantra les aide beaucoup à méditer. Pour la célébration des cultes, on emploie certains dessins appelés yantras et les images. L'adoration des images est dite primitive ; celle des yantras un peu plus élevée, mais ce qu'il y a de préférable est la méditation sur le mantra. Elle est plus efficace.
Le mantra est la divinité elle-même pour un adorateur fervent et pour un rishi. En méditant sur la divinité, on arrive à l'illumination. Autrefois, en Inde, on n'utilisait pas le mot rishi aussi souvent que de nos jours. Rishi n'est pas un titre, mais un état très rare de connaissance. Par exemple, Ramana Maharshi est vénéré partout en Inde comme le seul rishi de notre époque. Un homme ne peut pas dire de lui-même : je suis un rishi. Les hommes le reconnaissent comme un grand sage qui a réalisé le Suprême. Un rishi a eu la vision du Suprême. Il a vu le mantra.
Les Védas n'ont pas été composés par quelques hommes, ils ont été révélés directement aux rishis. C'est une révélation. Donc il est dit que ceux qui ont transmis les Védas étaient les rishis. Ils ont eu l'illumination en méditant sur la divinité. C'est ainsi que leur a été révélé le grand pouvoir de la pensée concentrée. C'est la force du mantra.
On ne peut pas considérer le mantra comme un mot ou une syllabe, parce qu'il vient d'une révélation qui est atteinte dans une certaine condition du mental et obtenue à la suite de disciplines spirituelles. N'importe qui peut accomplir les mêmes disciplines. En les accomplissant, il peut atteindre le même plan spirituel que celui des rishis ou d'un adorateur fervent. Il aura alors la même révélation. J'espère que vous pouvez bien comprendre ceci.
Nous acceptons le mantra d'un rishi qui a eu l'illumination, qui a vu le mantra et qui nous le transmet. En acceptant le mantra, nous voulons suivre la discipline que notre maître nous enseigne. Alors, peu à peu, notre mental s'élève. Quand il arrivera au même plan spirituel que celui du rishi qui a eu l'illumination, nous aurons aussi la même illumination. Nous serons en présence de la divinité. À ce moment-là, dit-il, le mantra devient illuminatif, c'est-à-dire qu'il peut donner l'illumination.
On peut se poser beaucoup de questions quand on entend parler d'un sujet si peu connu. Il faut surtout avoir la volonté de suivre les disciplines et de faire l'expérience. La vibration des sons du mantra ne paraît être que celle des sons physiques, dans le langage ordinaire, ce qui semble de peu d'importance. Mais, pour les fidèles et les adeptes convaincus, les sons du mantra sont le mantra lui-même, identifié à la divinité, capable de donner l’illumination. Pour parvenir à cet état, il faut suivre une pratique constante du japa dont le but est de transformer les sons ordinaires d'un  mantra en une source d'illumination.


La source d'illumination du mantra est pleine d’énergie consciente, elle possède des pouvoirs extraordinaires. Il en est ainsi pour le mantra Aum qui remonte à l'époque  la plus ancienne. Dans les Védas se trouve la Gayatri, répétée aussi de nos jours, mais on a dit autrefois que ce mantra était réservé à certains ; on ne pouvait le donner à tous. Seuls les enfants brahmines le recevaient de leur père qui l'avait  reçu de leur père. Ainsi de siècle en siècle, la Gayatri fut transmise de père en fils, comme premier mantra accepté par les hindous. Quand j'étais  jeune, j'ai  reçu un livre sanscrit disant que la Gayatri est un mantra incomparable.
S’il est vrai que la Gayatri est unique et si elle est réservée à certains, alors qu'y a-t-il pour les autres ? Heureusement l'école des tantras a beaucoup élargi cette manière de voir en faisant connaître plusieurs mantras et en indiquant ceux qui correspondaient aux différentes divinités adorées. Ces mantras ont tous été transmis par les rishis qui les ont vus dans leur expérience spirituelle et leur illumination. Il faut savoir que le mantra n'est  pas toujours formé de la seule syllabe Aum. Chaque aspect de Dieu a un son ou un mantra particulier.
Les tantras donnent beaucoup d'instructions  à ce sujet, avec des détails précis indiquant comment le son est utilisé pour chaque aspect de la divinité, quel est son effet produit par le son, en indiquant aussi la philosophie et le rythme. Pour mieux le comprendre, nous avons besoin d'un  exemple.
Le mantra commence toujours par le son Aum, premier mantra des Védas et des Upanishads. Il n'y  a pas d’autre mot aussi plein de signification. Aum est le pranava. Les chants commencent par le pranava. Puis vient un autre son particulier à la divinité adorée. Chacune des divinités différentes a un son particulier ou un mantra qui peut être court. Quelquefois il y a seulement un son ou quelques lettres assemblées. Il en est ainsi du mantra de la Mère Divine, composée de seize lettres sur lesquelles on médite pendant la nuit de pleine lune. Il y a par exemple les deux sons : haim et hrim. Ils sont répétés pour éveiller en nous l'image de la divinité sur laquelle nous méditons. On dit qu'il suffit de répéter ces sons
La méditation demande une grande préparation. Quand on médite, on évoque tout d'abord en soi la forme de la divinité. Cela semble difficile à beaucoup de personnes en Occident ; elles me disent, « Oh ! je ne peux pas visualiser ! »
En Inde, chaque aspect des différentes divinités a une forme décrite avec tous les détails. C'est la même chose en Occident pour Jésus. Chaque artiste a représenté le Christ a sa manière. Toutes ces images ne sont pas les mêmes, mais certains détails évoquent sûrement le Seigneur Jésus. Nous le reconnaissons sans qu'il soit nécessaire à l’artiste d’identifier le sujet. Il en est de même en Inde pour les différentes divinités. Des détails indiqués permettent à l’adorateur de visualiser devant lui la divinité adorée. Dans les chants, ces détails sont décrits. Ainsi l’adorateur commence à réciter le japa en visualisant en lui la forme de la divinité ; puis il répète le mantra. Alors il se produit progressivement un changement interne par l’influence du mantra. On dit qu'il devient vivant et puissant. C’est la puissance du mantra qui produit le changement.
Enfin, si l’adorateur a déjà visualisé en lui la divinité sur laquelle il a médité, il peut arriver à en avoir intérieurement la vision. C’est la deuxième partie de l’activité du mantra.
Il y a une troisième partie, plus universelle, très connue en Inde : les noms de la divinité : Shiva, Rama, Krishna, Durga, Ganesha et d’autres. Pour les dévots, les noms de la divinité sont identiques à la divinité elle-même. On ne pense pas que la divinité est une chose et ses noms une autre. Il en est ainsi du mantra shabda-brahman et de Brahman éternel. Les Écritures du tantra disent que le son est éternel. Aum est identifié à Brahman.
Ainsi nous nous pénétrons mieux de l’importance attribuée au mantra dans la religion hindoue. C'est  par la vibration des sons du mantra que se forme, dans le disciple, la vibration juste qui amène à celle du Suprême lui-même. C’est l’explication. Nous avons dit que derrière tout ce qui existe est Brahman, la réalité ultime. Brahman est en nous et autour de nous, seul et unique. Il n'y a rien d'autre.
Avant la création était le son, shabda-brahman. La création est précédée par la pensée. La pensée ne peut exister sans les mots. Les mots ne peuvent exister sans les sons. Donc, le son, shabda-brahman, est absolument nécessaire. Quand vous méditez sur l'aspect de Brahman qui est le son, vous suivez par le son le chemin qui vous amène à Brahman lui-même.
Il y a d'autres explications. Vous pouvez en demander d'autres et choisir celle qui vous convient le mieux. Il est bon d'entendre plusieurs explications. Elles ne sont pas tellement différentes les unes des autres et elles arrivent toujours au même point.
Dans la littérature tantrique, la répétition du mantra a une grande importance. Nous essaierons de comprendre l'explication que donne le tantra à ce sujet.
Tandis que le Brahman du Védanta représente l'Unique et Ultime Réalité qu'on appelle aussi l'Absolu, il se trouve divisé en deux aspects différents dans le tantra. L'un de ces deux aspects est appelé chit. C'est l'aspect statique, infiniment subtil et illuminé. L'autre aspect, plus grossier, est appelé shakti. C'est l'aspect dynamique, qui est la source de toute création, sous sa forme de vibration primordiale. Tout ce que nous voyons autour de nous, êtres, objets et choses matérielles sont des manifestations extérieures des vibrations. Ainsi, shakti est l'aspect grossier et chit, l'aspect subtil de l'énergie originelle.
Shakti est aussi appelée nada, shabda ou prana.
Nada, le son, peut être considéré comme l'âme de l'univers et l'on dit que la création a commencé par un son. C'est shabda-brahman, le Suprême manifesté dans le son.
Prana représente le souffle qui anime tous les êtres vivants. Mais nous devons nous souvenir que nada, shabda et prana ne sont pas séparés de chit. Chit et shakti ne sont pas différents. Ils sont les deux aspects de la même Réalité, et, en shakti manifestée dans les éléments grossiers, se trouve chit, caché, à l'état subtil. Sri Ramakrishna avait coutume de dire que Brahman et shakti sont inséparables, indissociables, tels le feu et son pouvoir de brûler. Il en est de même pour chit et shakti dans le tantra.
Chit existe donc en tout ce qui est manifesté dans le monde sous des formes subtiles ou grossières. On peut seulement dire que dans les formes subtiles chit est prédominant, tandis que dans les formes grossières il l'est moins, et c'est alors shakti qui prédomine, en tant que nada, prana ou shabda. Nous devons comprendre ainsi que dans toutes les manifestations de nada, shabda ou prana chit est présent à l’état subtil. Chit existe en tout ce qui est créé.
Nada, le son, est considéré comme un des éléments les moins grossiers de la manifestation de shakti. C’est donc en utilisant nada, que chit pourra être atteint plus facilement. Et ainsi le tantra utilise le son, qui est une vibration subtile, pour parvenir à chit. Par ce moyen, chit sera éveillé plus facilement que par des objets matériels et grossiers.
Rappelons-nous que chit est l’illumination, et qu'il faut arriver au cours de la sadhana à atteindre chit pour obtenir la Réalisation. Le tantra va ainsi se servir du son et de la vibration subtile des mots qui composent le mantra pour éveiller chit. En utilisant l’aspect dynamique, shakti, sous sa forme la moins grossière, celle du son (nada), le tantriste parviendra à chit, qui est le but à atteindre, l’illumination.
Le mantra, par la vibration du son, est donc l’expression matérielle la moins grossière, et par conséquent la plus proche de chit. La répétition du mantra facilitera cette approche.
C’est la description donnée dans le tantra qui explique pourquoi on doit faire le japa, et comment on doit méditer sur le mantra.
Les savants reconnaissent que cette découverte de la répétition du mantra est vraiment une contribution importante apportée par le tantra. Elle nous montre la relation très proche qui existe entre nada et chit, c'est-à-dire entre le « son » et « l'illumination », et elle nous explique que tous deux ne sont pas différents de l'énergie cosmique, shakti.
On peut penser qu'un tel sujet n'est pas si simple et que le rôle du gourou est décisif. Le gourou doit nous comprendre et choisir le mantra approprié à chacun. Mais il est bon de connaître un peu l'enseignement du tantra.


chakras

« C’est comme si la terre méditait, l’atmosphère méditait,
C’est comme si le ciel méditait, l’eau méditait,
C’est comme si les montagnes méditaient.
»
Chandogya Upanishad

De toutes les disciplines du yoga, la méditation est celle qui apporte le plus directement et le plus efficacement le renouveau et la transformation intérieurs.

Ce renouveau ou cette transformation peuvent être connus sans la méditation ; par exemple l’enfance et l’adolescence offrent d’elles-mêmes des moments où la réalité nous apparaît pure de toute conceptualisation de telle sorte que notre conscience est comblée par sa seule présence. Mais ces moments sont fugitifs et ne dépendent pas de notre volonté.

La méditation cherche à cultiver ces moments où réalité, félicité et connaissance se conjoignent. Elle est donc d’abord un exercice, c’est-à-dire une activité dont l’efficacité augmente grâce à sa répétition ; et un exercice de pensée, dont la principale fonction est de cultiver le détachement par rapport aux premières pensées venues et de se concentrer sur l’essentiel qui est la réalité pure, la félicité pure et la connaissance pure.

L’univers est une liaison de particules, animée d’un mouvement perpétuel, qui nourrit sa cohésion ; chacun est un élément de cet univers et, en même temps, un univers en lui-même. La méditation permet de retrouver l’harmonie universelle et développe ainsi à la fois la compréhension cordiale et intelligente de soi, des autres et de l’univers.

Cet exercice est donc sans danger puisqu’il réveille le courage créatif et aimant tandis qu'il éteint la peur et la torpeur.