Dans le regard de Dionysos : du mythe aux techniques du jeu d’acteur
par Muriel Roland
Dionysos, comme Shiva Natarâja, le « roi de la danse et du théâtre », est une « divinité transformatrice des mondes, reconstituant perpétuellement ce qu’elle détruit » 1. Mais si c’est par sa danse cosmique que Shiva crée et décrée le monde à chaque fois que son pied touche le sol, c’est par le regard qu’opère la divinité grecque du théâtre (du verbe theatomai, « voir, contempler »).
Le mythe nous apprend en effet que Dionysos enfant assiste dans le miroir devant lequel il joue, à son propre démembrement par les Titans. C’est par la Vision qu’il réunit et ré-articule ses membres dispersés, opérant par le regard la décréation-recréation simultanée des processus d’interactions naturelles et sociales dont le théâtre est le rejeu. Toujours déjà mort et encore vivant, ressuscité de son propre sacrifice, il est le dieu de toutes les contradictions et de toutes les métamorphoses.
Les Technites dionysiaques – terme par lequel étaient désignés les acteurs de la période hellénistique – organisés en associations, à la fois confréries religieuses et corporations de métiers – étaient considérés comme porteurs d’une technè spécifique, directement insufflé par Dionysos.
Comment ces différents aspects du mythe dionysiaque prennent-ils corps en l’acteur ? A travers quelles techniques actorales se manifeste-t-il ?
Ces questions seront explorées à la croisée de mon expérience pratique d’artiste de théâtre et de textes d’Euripide (Les bacchantes), Friedrich Nietzsche (La naissance de la tragédie), Giorgio Colli (La naissance de la philosophie), Peter Sloterdijk (Le penseur sur scène), Alain Daniélou (Shiva et Dionysos).
Muriel Roland est artiste de théâtre, co-fondatrice de la Cie SourouS, du Festival Auteurs en Acte, de l’Escuela nacional de teatro- Santa Cruz-Bolivie, actrice, metteuse en scène, dramaturge et pédagogue. Ses recherches portent sur le geste théâtral en relation avec les arts plastiques, l'énergétique de tradition chinoise (notamment méditation taoïste dite de l’Alchimie interne et Qi Qong de la verticalité intérieure) et l’art de Marcel Marceau. Elle est docteure en esthétique théâtrale, auteure d'une thèse intitulée Poïétique du geste de l'acteur au théâtre, sous la direction de Katia Légeret, Université Paris 8.